J’en
ai feuilleté quelques-uns lors de mes promenades automnales
dans les librairies. Parmi les rares qui m’ont « accroché »,
on trouve Poids léger (L’Olivier), d’Olivier
Adam, Numéro Six (Actes Sud) de Véronique Olmi,
Mon quartier (Fayard) de Dominique Fabre, C’est
de fatigue que se ferment les yeux des femmes (Bartillat)
de Claire Fourier.
Enfin
mon coup de cœur (injuste, puisque je n’ai pas tout lu) de
cette rentrée littéraire gargantuesque est… : Journal
d’une serveuse de cafétéria (Léo Scheer) d’Anne Buisson.
Je ne sais rien de l’auteur(e) de ce court (83 pages) roman
et journal fictif, sinon que le texte de la quatrième de couverture
indique qu’Anne Buisson est née à Clermont-Ferrand et vit
à Paris où elle travaille dans une revue scientifique. Sur
le site des éditions Léo Scheer, la fiche auteur d’Anne Buisson
ajoute qu’elle travaille dans un centre hospitalier où elle
s’occupe d’informer les malades atteints de « maladies
rares ». Impossible de dire si ce texte est autobiographique.
Peu importe, c’est le résultat qui compte. Et ici, le résultat
est magnifique. Ce journal sobre et ciselé d’une vie ordinaire
se lit d’une traite.
Du
28 novembre au 10 septembre (jour où la serveuse écœurée rendra
son tablier), le lecteur vit dans les coulisses d’une cafétéria,
à travers les yeux de celle qui lui sert quotidiennement sa
pitance : « Aucun homme ne me plaît vraiment
dans cet endroit : tous sont cadres moyens ou commerciaux
de petite envergure dépouillés de délicatesse. Lorsque je
suis à la caisse, je me fais avidement tirer les tresses ;
cela fait beaucoup rire, mes tresses. »
Ce
journal raconte le combat d’une femme pour rester vivante
malgré l’aliénation de son travail. « Tout cela peut-il
durer ? Je veux dire, dans ce morcellement, puis-je,
moi, durer ? (…) Penser à trouver un travail à la hauteur
de la conscience que j’ai de ma propre valeur. »
A
la fin du récit, la serveuse démissionne de son travail, sans
en avoir trouvé un autre. Les autres la prennent pour une
folle. Mais, quitter ce travail n’est plus un choix pour elle,
mais une « nécessité ». Un livre d’actualité,
puisque depuis quelques mois, un grondement social se fait
entendre de tous ceux qui en ont marre d’occuper des « boulots
de merde payés des miettes.» Comme l’héroïne du roman d’Anne
Buisson, certains désertent le marché du travail, préférant
l’incertitude à l’aliénation.
Ce
journal d’une serveuse de cafétéria est celui de tous ceux
qui subissent tous les jours un travail pénible, inintéressant
et mal payé, un travail qui rime avec précarité, flexibilité
et productivité maximale. « Je dis : elles sont nombreuses
les journées où, entre le métro du matin et le métro du soir,
il y a comme un blanc. »
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« Vous
les emportez comme un trésor, ces lettres. Dans l'ascenseur,
vous repensez à ce texte, Lettre anonyme, à Hyvernaud du haut
de sa fenêtre, puis arpentant les rues, à la vanité qui pousse
chacun d'entre nous à vouloir laisser son nom, fut-il gravé
de la pointe d'un couteau dans l'écorce d'un arbre. Vous ne
vous posez plus la fameuse question : le renoncement à toute
publication, le supposé découragement... Vous savez que pour
lui, avant de publier, il fallait d'abord écrire. Vous vous
demandez ce qu'on peut écrire après la guerre. Et vous vous
dîtes que décidément, Hyvernaud était un homme debout... »
(Olivier Adam, en sortant de chez Andrée Hyvernaud)
A
noter dans l’agenda de la rentrée, les Nuits de la Correspondance
à Manosque du 25 au 29 septembre 2002. Au programme de cette
année, Jean-Pierre Darroussin qui, après Jacques Gamblin et
Serge Teyssot Gay (Noir Désir), lira Lettre Anonyme de Georges
Hyvernaud. Seront également présents Yves Bichet, Richard
Morgiève, lors d’une lecture croisée, et Dominique A pour
une lecture musicale. En ouverture, le 25 septembre, Jean-Pierre
Baril présentera les lettres inédites d’Henri Calet à Pombo
publiées dans la revue littéraire Les Episodes. Ces lettres
inédites seront le thème central d’un spectacle pour l’édition
2003 des Nuits de la Correspondance.
Site
Internet : www.nuitsdelacorrespondance.net
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