Sommaire
+ Certainement pas
+ Il parait que
+ In memoriam
+ Casse-moi, si tu peux
+ salauds de pauvres !
+ La mort d’un écrivain
+ C’est d’ennui que se ferment les yeux des lecteurs
+ Pause
+ "Quelque part, quelqu’un…"
+ La dernière soirée de la revue Perpendiculaire
+ Les instantanés amoureux de Mayumi
+ Dan Eldon ou la chute de l’ange de Mogadiscio
+ " Le jour se lève, ça vous apprendra "
+ Tazmamart : la honte du Maroc
+ A Manosque
+ " Sur ma route " de Carolyn Cassady
 
Dans les lettres que je reçois d’elle,
ce qui me touche le plus…
c’est le post-scriptum
 "
- Breton -
C’est d’ennui que se ferment les yeux des lecteurs
Quel lecteur pourrait se vanter d’avoir lu les 663 romans de la rentrée littéraire ?

J’en ai feuilleté quelques-uns lors de mes promenades automnales dans les librairies. Parmi les rares qui m’ont « accroché », on trouve Poids léger (L’Olivier), d’Olivier Adam, Numéro Six (Actes Sud) de Véronique Olmi, Mon quartier (Fayard) de Dominique Fabre, C’est de fatigue que se ferment les yeux des femmes (Bartillat) de Claire Fourier.

Enfin mon coup de cœur (injuste, puisque je n’ai pas tout lu) de cette rentrée littéraire gargantuesque est… : Journal d’une serveuse de cafétéria (Léo Scheer) d’Anne Buisson. Je ne sais rien de l’auteur(e) de ce court (83 pages) roman et journal fictif, sinon que le texte de la quatrième de couverture indique qu’Anne Buisson est née à Clermont-Ferrand et vit à Paris où elle travaille dans une revue scientifique. Sur le site des éditions Léo Scheer, la fiche auteur d’Anne Buisson ajoute qu’elle travaille dans un centre hospitalier où elle s’occupe d’informer les malades atteints de « maladies rares ». Impossible de dire si ce texte est autobiographique. Peu importe, c’est le résultat qui compte. Et ici, le résultat est magnifique. Ce journal sobre et ciselé d’une vie ordinaire se lit d’une traite. 

Du 28 novembre au 10 septembre (jour où la serveuse écœurée rendra son tablier), le lecteur vit dans les coulisses d’une cafétéria, à travers les yeux de celle qui lui sert quotidiennement sa pitance : «  Aucun homme ne me plaît vraiment dans cet endroit : tous sont cadres moyens ou commerciaux de petite envergure dépouillés de délicatesse. Lorsque je suis à la caisse, je me fais avidement tirer les tresses ; cela fait beaucoup rire, mes tresses. »

Ce journal raconte le combat d’une femme pour rester vivante malgré l’aliénation de son travail. « Tout cela peut-il durer ? Je veux dire, dans ce morcellement, puis-je, moi, durer ? (…) Penser à trouver un travail à la hauteur de la conscience que j’ai de ma propre valeur. »

A la fin du récit, la serveuse démissionne de son travail, sans en avoir trouvé un autre. Les autres la prennent pour une folle. Mais, quitter ce travail n’est plus un choix pour elle, mais une « nécessité ». Un livre d’actualité, puisque depuis quelques mois, un grondement social se fait entendre de tous ceux qui en ont marre d’occuper des « boulots de merde payés des miettes.» Comme l’héroïne du roman d’Anne Buisson, certains désertent le marché du travail, préférant l’incertitude à l’aliénation.

Ce journal d’une serveuse de cafétéria est celui de tous ceux qui subissent tous les jours un travail pénible, inintéressant et mal payé, un travail qui rime avec précarité, flexibilité et productivité maximale. « Je dis : elles sont nombreuses les journées où, entre le métro du matin et le métro du soir, il y a comme un blanc. »

Georges Hyvernaud à Manosque

« Vous les emportez comme un trésor, ces lettres. Dans l'ascenseur, vous repensez à ce texte, Lettre anonyme, à Hyvernaud du haut de sa fenêtre, puis arpentant les rues, à la vanité qui pousse chacun d'entre nous à vouloir laisser son nom, fut-il gravé de la pointe d'un couteau dans l'écorce d'un arbre. Vous ne vous posez plus la fameuse question : le renoncement à toute publication, le supposé découragement... Vous savez que pour lui, avant de publier, il fallait d'abord écrire. Vous vous demandez ce qu'on peut écrire après la guerre. Et vous vous dîtes que décidément, Hyvernaud était un homme debout... » (Olivier Adam, en sortant de chez Andrée Hyvernaud)

A noter dans l’agenda de la rentrée, les Nuits de la Correspondance à Manosque du 25 au 29 septembre 2002. Au programme de cette année, Jean-Pierre Darroussin qui, après Jacques Gamblin et Serge Teyssot Gay (Noir Désir), lira Lettre Anonyme de Georges Hyvernaud. Seront également présents Yves Bichet, Richard Morgiève, lors d’une lecture croisée, et Dominique A pour une lecture musicale. En ouverture, le 25 septembre, Jean-Pierre Baril présentera les lettres inédites d’Henri Calet à Pombo publiées dans la revue littéraire Les Episodes. Ces lettres inédites seront le thème central d’un spectacle pour l’édition 2003 des Nuits de la Correspondance.

Site Internet : www.nuitsdelacorrespondance.net

Jean-Luc Bitton

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