Le
dernier numéro de la revue littéraire Perpendiculaire a été
imprimé par l’imprimerie Floch à Mayenne en août 1998. La littérature
française doit beaucoup au département de la Mayenne, à Monsieur
Floch et à son imprimerie de labeur (sic). En même temps, le département
de la Mayenne doit également beaucoup à la littérature française
puisqu’elle permet à Monsieur Floch d’employer 165 personnes. C’est
pas rien en Mayenne. Dans la hiérarchie des entreprises de la région,
l’imprimerie Floch arrive en 7ème position (sur 12) entre
une fabrication de charcuteries fines et une industrie laitière
de poudre de lait.
Je
cesse ces digressions sur la vie des entreprises régionales qui
aurait certainement passionné les membres de la Société Perpendiculaire,
si leur principal organe de communication et de réflexion n’avait
cessé de paraître suite à un médiatique différend avec Michel Houellebecq
et les éditions Flammarion, éditeur de la revue et de l’auteur des
Particules Elémentaires. A l’époque, je fréquentais les rendez-vous
publics du mercredi soir de la revue, au café Les Marronniers. A
vrai dire, il ne s’y passait pas grand chose, mais on était heureux
d’être là, avec la vague sensation de vivre un moment important
de la vie littéraire parisienne voire nationale.
Je
tiens à démentir une rumeur colportée et reproduite aujourd’hui
dans le rapport d’activité 1985-2000 de la société : celle
que les jolies filles étaient nombreuses aux réunions. C’est faux !
La plupart du temps (à mon grand désespoir) l’assemblée était majoritairement
masculine et célibataire, hormis quelques froides intellectuelles
toutes concentrées sur l’orateur du jour.
Pour
revenir à des préoccupations moins triviales, bien que…, ma seule
contribution à la revue, sur la demande de Jean-Yves Jouannais,
aura été de présenter, dans ce désormais mythique numéro de l’automne
98, une nouvelle de l’écrivain Emmanuel Bove, intitulée Bécon-les-Bruyères,
juste après l’entretien avec Houellebecq qui mettra le feu aux poudres.
Ce qui m’a beaucoup amusé, c’est de découvrir ce 27 mai 2002 dans
le rapport d’activité, qu’un type, après avoir lu la nouvelle, s’était
pointé aux Marronniers pour rencontrer Emmanuel Bove, ce qui prouve
que les préfaces sont rarement lues avec attention.
Ce
27 mai 2002, lors de cette ultime conférence-performance à l’Espace
Paul Ricard, ceux qui se trouvaient au Marronniers se comptaient
sur les doigts d’une main. Ils avaient eu raison de ne pas venir.
La farce était finie. La magie de l’ennui s’était envolée. Des compassés
écoutaient religieusement les propos alambiqués des Perpendiculaires.
Hormis un début d’explication entre Raphaël Sorin (qui garda son
flegme malgré les insultes d’un excité et la vindicte publique)
et les cinq mousquetaires, la soirée fut morne et sans surprises.
Dans le dernier numéro de la NRF, Houellebecq éructe contre la « racaille
gauchiste ». Pourquoi tant de haine ?
Jean-Luc
Bitton
Société
Perpendiculaire : rapport d’activité 1985-2000
Editions Images Modernes, juin 2002. – 35 euros
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La
Société Perpendiculaire (composée de Nicolas Bourriaud,
Christophe Duchatelet, Jean-Yves Jouannais, Christophe Kihm
et Laurent Quintrau) est une entreprise de fiction créée en
1985, empruntant sa forme à la fois aux avant-gardes historiques
et à une administration tertiaire, inspirée par celle des
mutuelles assurances. La Revue Perpendiculaire, dix ans plus
tard, fut la forme la plus visible de cette coopérative dont
les centres d’intérêt furent la littérature, la philosophie,
les arts plastiques ou la musique – mais dont les comportements
demeurent, encore aujourd’hui, les champs d’investigation
privilégiés. Ces expériences ont trouvé leur prolongement
dans des essais, des romans, des expositions et des textes
théoriques, mais aussi dans les rendez-vous publics du café
Les Marronniers qui ont réuni autour de Perpendiculaire, pendant
trois ans, auteurs et lecteurs de la revue. Celle-ci cessera
de paraître en 1998 suite à un différend avec les éditions
Flammarion.
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