Sommaire
+ Certainement pas
+ Il parait que
+ In memoriam
+ Casse-moi, si tu peux
+ salauds de pauvres !
+ La mort d’un écrivain
+ C’est d’ennui que se ferment les yeux des lecteurs
+ Pause
+ "Quelque part, quelqu’un…"
+ La dernière soirée de la revue Perpendiculaire
+ Les instantanés amoureux de Mayumi
+ Dan Eldon ou la chute de l’ange de Mogadiscio
+ " Le jour se lève, ça vous apprendra "
+ Tazmamart : la honte du Maroc
+ A Manosque
+ " Sur ma route " de Carolyn Cassady
 
Dans les lettres que je reçois d’elle,
ce qui me touche le plus…
c’est le post-scriptum
 "
- Breton -
Certainement pas

C’est presque devenu un « marronnier » (1) du petit monde des lettres, de se répandre en digressions sur ce sujet inépuisable qu’est  la profusion des romans publiés chaque rentrée littéraire. Cette année n’échappe pas à la règle ; 661 bouquins se bousculent sur les tables des libraires qui s’arrachent les cheveux. Quand on observe les médias lors de cette période agitée, on s’aperçoit très vite que la critique littéraire est atteinte de suivisme. Plus clairement, tout le monde parle des mêmes livres…comme si parmi les 661 romans, seule une vingtaine d’entre eux mériteraient quelques échos médiatiques. Un sentiment de compassion me gagne quand je songe à tous ces auteurs abandonnés qui attendent désespérément qu’un critique daigne jeter un œil sur leur prose. Un seul livre m’est arrivé par la poste cette année. Je n’avais rien demandé. Son auteur(e) me l’a envoyé avec une agréable dédicace. Je l’ai lu et je l’ai aimé. Certainement pas est le dernier livre de Chloé Delaume. Il ne raconte pas une histoire. Chloé Delaume ne se raconte pas d’histoires, elle propose au lecteur une  poupée russe littéraire, sorte de mise en abyme où l’on se perd avec plaisir. Chloé Delaume se fiche des règles de la ponctuation et de la syntaxe. Tant mieux. Comme le notait le dramaturge Raymond Cousse, il faudrait «  détruire le langage, se l’arracher du cœur, tenter d’aller voir ce qu’il y a derrière. » Il est impossible de résumer certainement pas, je pourrais reprendre la quatrième de couverture à l’instar de la critique paresseuse. Le mieux est d’offrir aux lecteurs potentiels quelques extraits de ce récit labyrinthique qui j’espère leur donneront l’envie de le lire dans son intégralité. Tout d’abord, quelques secrets de fabrication littéraire : « Les auteurs de romans commerciaux abusent des dialogues pour trois raisons évidentes. 1. Les dialogues permettent tout bonnement de rallonger la sauce, et par un jeu de mise en forme basique de transformer un ouvrage à l’inacceptable format de 75 pages en un objet atteignant les 128 réglementaires. Cette  astuce, alliée à l’utilisation d’une police de caractères 14 et à l’usage du double interligne, sait rendre dodu et consommable le produit de divertissement proposé au lecteur qui c’est connu en veut toujours pour son argent. 2. Les dialogues représentent pour les blagues un espace de prédilection. Les auteurs de romans commerciaux doivent avoir un minois agréable, du gel dans les cheveux et le sens de l’humour. On appelle ça la règle des trois unités. 3. Les auteurs de romans commerciaux sont nombreux à confier, si possible en public, qu’ils ont fait écrivain à défaut de faire cinéaste. Plutôt que de se mettre au vert pour rédiger un scénario et laisser tranquille la littérature qui ne leur a rien demandé, ils développent benoîtement leur adorable script, le ponctuant de dialogues qui ne sont pas sans rappeler le ton hautement subversif des sitcoms d’AB Production. » De l’amour enfin : «  Mon cœur est un chien qui salive. Je n’attends pas qu’ils m’aiment avant que je choisisse. Une fois que j’ai choisi, j’attaque et je conclu. Une fois que j’ai conclu, j’ai besoin de souffrir, pas trop mais un petit peu. Comme j’ai couru après j’ai beaucoup fantasmé, voire même cristallisé je cristallise à une vitesse c’est pas permis. » Une petite chute en fin d’article ? La réponse est dans le titre.

Certainement pas - Editions Verticales, 20 €.          

(1)   Marronnier : sujet qui revient chaque année à une période donnée ( les salaire des cadres, vivre en solo, où vit-on le mieux en France ? etc.).
 

Jean-Luc Bitton

 

P.S. :  Le site consacré à l’écrivain Emmanuel Bove a été entièrement « revisité ».

Remerciements chaleureux et ma gratitude à Emmanuelle Rebato qui s’est chargée avec brio de cette refonte. http://www.emmanuel-bove.net

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