"Je
veux savoir ce que savent les saumons, quand ils remontent
le courant à toute blinde, envers et contre tout, pour mourir".
Le
type qui a écrit ça ne peut pas être mauvais. N’empêche qu’il
est impressionnant. On a pas envie d’aller lui chercher des
noises. Il est assis derrière nous. Déjeuner des auteurs à
Saint-Malo au 13e festival des Etonnants Voyageurs.
Quand il se lève, tout le monde le regarde. C’est une montagne
qui bouge : 1m92, 120 kg au moins…
Dans
son Montana, il doit être à la mesure du paysage, mais ici,
c’est un géant dans un village de schtroumfs. Eric Poindron,
mon voisin de table (et celui de droite, bien sûr
- ndlr), me glisse à l’oreille : « Tu pourrais
me photographier à ses côtés ? »
Nous
interrompons l’ogre dans son dessert, dans un mauvais anglais,
nous lui expliquons notre requête. Des yeux bleus limpides
qui ont vu toutes les rivières se posent sur nous avec bienveillance.
Il accepte très gentiment de prendre la posture qu’on veut.
Je monte sur la chaise et immortalise la rencontre de l’auteur
champenois et du géant du Montana.
Quelques
minutes après, l’écrivain américain est à notre table, nous
trinquons avec lui. Il nous invite à venir le voir là-bas
dans l’Ouest américain, pour des longues promenades dans la
forêt et des parties de pêche avec la glacière aux pieds remplie
de bières fraîches.
Il
se dit être "un prolo qui écrit sur les prolos".
Elwood Reid, 30 ans, ancien joueur de football américain,
a été aussi charpentier, videur, barman, cuisinier…Aujourd’hui,
il est écrivain, le fils spirituel de Raymond Carver,
comme ce dernier, il parle de l’envers du décor américain,
des histoires de pauvres mecs qui se retrouvent seuls dans
un motel à broyer du noir.
Son
premier livre portait ce titre superbe : Ce que
savent les saumons . Il vient de publier le deuxième :
Midnight Sun. Elwood est un bon écrivain, c’est confirmé.
Mais surtout, c’est un type bien qui réussirait à faire aimer
la pêche à n’importe qui. A ma question, mais alors ces saumons,
que savent-ils ? Il me répond avec un grand sourire :
nothing !
Jean-Luc
Bitton
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