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les origines du sacrifice humain chez les Aztèques

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Petite bibliothèque nomade
+ ANAWALT, R. Patricia
1986 : "Les sacrifices humains chez les Aztèques", La Recherche, no 175, volume 17, pp. 322-329 
+ DE SAHAGUN, F. B.
1981 : Histoire générale des choses de la Nouvelle-Espagne, Paris, Editions François Maspéro. 
+ DUVERGER, Christian
1978 : L'esprit du jeu chez les Aztèques, Paris, Editions Mouton.
1979 : La fleur létale. Economie du sacrifice aztèque, Paris, Editions Le Seuil.
+ GRAULICH, Michel
1983 : "Les mythes de la création du soleil au Mexique ancien" dans L'Ethnographie, no 89-91, pp. 9-31. 
+ LE CLEZIO, J. M. G.
1988 : Le rêve mexicain, Paris,Editions Gallimard. 
+ PETERSON, F. A.
1961 : Le Mexique précolombien, Paris, Editions Payot. 
+ SIMONI-ABBAT, M.
1976 : Les Aztèques, Paris,Editions Le Seuil. 
+ SOUSTELLE, Jacques
1955 : La vie quotidienne des Aztèques, Paris, Editions Hachette
 
Les origines du sacrifice humain chez les Aztèques
Sommaire
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Introduction

+ Les origines du sacrifice humain chez les Aztèques
+ Les fonctions du sacrifice humain chez les Aztèques
+ Sacrifiés et sacrificateurs
+ Les différentes étapes du sacrifice humain
+ Les conquérants espagnols et les sacrifices humains
+ Le silence amérindien
 
Introduction

Dans sa longue liste des traits culturels définissant la civilisation mésoaméricaine à l'époque de la conquête espagnole, l'ethnologue Paul Kirchoff mentionne les sacrifices humains. Cette pratique est très ancienne, puisqu'on retrouve des traces et des indices archéologiques, datant de 5000 ans avant notre ère, qui témoignent de la longue histoire du sacrifice humain en Mésoamérique. Des Olmèques, qui connaissaient le culte de la tête-trophée, jusqu'aux Mayas, nombre de civilisations préhispaniques pratiquaient les sacrifices humains. Mais aucun peuple comme les Aztèques n'a montré autant de goût pour ces pratiques sanglantes. Avec eux, le sacrifice humain devient une institution.

Les origines du sacrifice humain chez les Aztèques

Les Aztèques, jusqu'à aujourd'hui, ont conservé cette réputation d'un peuple cruel et sanguinaire, lié à leur pratique intense des sacrifices humains. Pourtant, à bien considérer les choses, cette cruauté n'était jamais gratuite, au contraire de celle des jeux des cirques romains, mais religieuse, sacrée, voire mystique, toujours destinée au seul plaisir des dieux. Une clef fondamentale, pour comprendre les origines des sacrifices humains aztèques, se trouve dans le mythe le plus important et le plus répandu de la mythologie mésoaméricaine : celui de la création du soleil et de la lune. Dans son Histoire générale des choses de la Nouvelle-Espagne le chroniqueur espagnol Bernardino de Sahagun transcrit ce mythe qui raconte la création, à Tehotihuacan, devant une assemblée divine, de la première lumière sur le monde et comment furent choisis le dieu Tecuciztecatl pour être le soleil et le dieu "bubonneux" Nanuatzin, pour être la lune. A tour de rôle, sous le regard des autres dieux, ils doivent se jeter dans un brasier et raconte la légende "quand le soleil vint à se lever, il apparut très rouge, se dandinant d'un côté et d'un autre, et personne ne pouvait fixer sur lui ses regards parce qu'il aveuglait. La lune sortit en même temps que lui également de l'Orient : d'abord le soleil et la lune à sa suite, dans le même ordre qu'ils étaient entrés auparavant au foyer." Malheureusement cette création reste inachevée, les deux astres restent immobiles dans le ciel. Les dieux alors désespérés se parlèrent et dirent :"Comment pourrions-nous vivre ainsi ? Le soleil ne bouge pas. Est-ce que nous passerons toute notre existence entre les indignes mortels ? Mourons tous et faisons que notre mort donne la vie à ces astres." Après cette discussion, les dieux consentent à se sacrifier pour déclencher la course du soleil et de la lune. Immolés l'un après l'autre, ils nourriront de leurs coeurs arrachés et de leur sang les deux astres qui finiront par prendre vie. L'essentiel de cette légende s'avère être dans la phrase : "Mourons tous et faisons que notre mort donne la vie à ces astres." Elle fournit une explication à l'origine des sacrifices humains chez les Aztèques qui reprirent la légende à leur compte. Il fallait renouveler et perpétuer le sacrifice initial des dieux par celui des hommes. Seul le sang humain méritait de se substituer au sang divin. Le sacrifice humain devenait alors légitime et même nécessaire à la bonne continuation de l'univers. Afin d'éviter que ce dernier ne sombre dans les ténèbres, les humains devaient donc continuer à alimenter l'astre solaire par l'offrande sans cesse répétée de leur sang et de leurs coeurs. Pour citer l'ethnologue Christian Duverger, le sacrifice humain apparaît comme l'archétype du don : offrande d'un individu ou d'un groupe d'individus, à la société toute entière. Quant à ses origines, Duverger avoue qu'elles restent mystérieuses et qu'il est vain d'espérer reconstruire - avec les données actuelles - la genèse exacte du sacrifice humain. L'ethnologue recense quelques hypothèses d'origine formulées comme le sacrifice d'animaux, les scarifications traditionnellement pratiquées à des fins pénales ou la singulière saignée de l'agave par mutilation du coeur de la plante, métaphore frappante du rite sacrifiel. L'histoire généalogique des sacrifices humains en Mésoamérique reste donc à faire.

Les fonctions du sacrifice humain chez les Aztèques

Comme nous l'avons déjà introduit, la fonction principale du sacrifice humain chez les Aztèques est religieuse : pour apaiser le courroux des dieux et conjurer le malheur, les hommes doivent nourrir les forces divines par le sang et le coeur de leurs victimes. Les hommes sont donc liés aux dieux par ce pacte de sang substantiel. Ces dieux païens aux yeux des conquérants espagnols, sont derrière chaque événement de la vie Aztèque. Dans une ferveur religieuse quasi mystique, le sang coule lors de fêtes rituelles complexes, minutieusement préparées, toutes dévouées aux nombreuses divinités aztèques. "Pour honorer le démon, rapporte Sahagun, ils faisaient ruisseler le sang sur les temples jour et nuit, tuant hommes et femmes devant les statues des démons (...) Ils faisaient ruisseler le sang devant les démons par dévotion, aux jours signalés." Lors de ces cérémonies chargées de sens mais incompréhensibles pour les chroniqueurs espagnols, où se mêlaient le son des tambours, l'odeur des bûchers sacrés, de l'encens et du sang répandu, l'individu sacrifié devait correspondre à l'image du dieu honoré. Ainsi les Aztèques, dans une riche et magique mise en scène, transformait le simple mortel en image divine. Les dieux vénérés, devenaient alors, par cette matérialisation, accessibles et finissaient par s'unir aux hommes, chantant et dansant avec eux. Pour résumer cette fonction religieuse du sacrifice humain, par leurs croyances et leur conception du monde, les Aztèques se trouvaient enfermés dans une spirale sanguinaire sans fin destinée à préserver la continuité du cosmos. Les sacrifices humains chez les Aztèques avaient également un rôle politique essentiel. Prêtres et guerriers prédominaient dans la hiérarchie du pouvoir politique aztèque. Ces deux groupes étaient liés et interdépendants par le rite du sacrifice humain. Les prêtres organisaient la mise en scène sacrifielle, distribuant les rôles et veillant à son bon déroulement jusqu'au dernier acte : la mise à mort. Quant aux guerriers, ils pourvoyaient les autels en sacrifiés avec leurs captifs. Le pouvoir politique passait donc par les sacrifices humains dont les autorités religieuses et militaires se partageaient les responsabilités.

Par sa fonction terrifiante et intimidatrice auprès du peuple et des étrangers - les crânes des suppliciés étaient exposés en permanence - les sacrifices humains légitimaient et assuraient le maintien du pouvoir des dirigeants. Ils justifiaient également l'expansionnisme aztèque avec les guerres indispensables pour satisfaire une demande insatiable en captifs. Christian Duverger dans son approche structuraliste considère le sacrifice humain comme la raison même de la puissance aztèque. A l'instar de Jacques Soustelle qui définit le rite sacrifiel comme : "une transmutation par laquelle on fait de la vie avec de la mort", Duverger voit dans cette mort sacralisée une façon de libérer et de récupérer l'énergie vitale contenue dans le corps humain afin de sustenter l'astre solaire, dévoreur d'énergie. Cette vocation énergétique, note Duverger, est sans issue puisqu'elle condamne les Aztèques à une expansion forcée et ruineuse pour se procurer ces ressources énergétiques humaines dont la pénurie prévisible peut provoquer une déstabilisation de l'économie. L'archéologue A. Demarest qui s'est intéressé à l'ethnohistoire des Aztèques, considère aussi le sacrifice humain comme une cause du développement de l'empire aztèque et que toutes les transformations politiques accomplies par les Aztèques reposaient sur l'idéologie sacrifielle qui justifiait de plus en plus la guerre ou la compétition entre Etats.

Sacrifiés et sacrificateurs

Quelles étaient les victimes des sacrifices aztèques ? En premier lieu, ce sont les captifs ramenés d'expéditions guerrières que les Aztèques appelaient Xochiyaoyotl, "les guerres fleuries". La raison principale de ces combats était la capture de prisonniers afin de pourvoir les autels en sacrifiés. Le chroniqueur Munos Camargo témoignera dans ces textes de ces guerres de ravissement où la vie est plus précieuse que la mort : "Ils attrapaient et capturaient ceux qu'ils pouvaient et c'était là leur principal butin et leur principale victoire : faire de nombreux captifs pour les sacrifier à leurs idoles... Car ils tenaient pour meilleur exploit de capturer plutôt que de tuer." La deuxième catégorie de victimes était les esclaves. Les commerçants aztèques, les potchecas, les achetaient pour les offrir en sacrifice.C'était pour eux un moyen de participer au pouvoir dont le sacrifice était la démonstration. Rappelons ici que le sacrifice restait le monopole des castes dirigeantes. La dernière catégorie de condamnés était ceux qui avaient écopé du fardeau de personnifier les dieux. Ces "images des dieux" comme les appelait Sahagun, n'étaient pas de simples figurants déguisés mais devenaient eux-mêmes des divinités au milieu des hommes. Ainsi c'était "l'image" de Uixtocihuatl, déesse du sel, qui était immolée ou bien encore celle de Xilolen, la vierge-mère, déesse du jeune maïs. Ces individus, véritables représentations humaines des dieux, étaient choisis selon des critères très spécifiques. Par exemple, les enfants que l'on sacrifiait aux dieux de la pluie se devaient d'avoir deux tourbillons de cheveux sur la tête et d'être nés sous un bon signe. Qu'ils soient captifs, guerriers ou "images des dieux", les sacrifiés étaient la plupart du temps étrangers à la société aztèque. On sacrifiait avant tout "l'autre". Cette altérité qui nourrissait les dieux et les hommes - nous aborderons dans un autre chapitre l'anthropophagie postsacrifielle - assurait de conserver intactes les forces vives de l'empire Aztèque tout en affirmant son expansion.

Dans la société hiérarchisée aztèque, bien que souverains, militaires et commerçants puissent organiser des fêtes sacrifielles, seuls les prêtres sont habilités à tenir le rôle de sacrificateur. Chaque prêtre portait comme titre le nom du dieu qu'il représentait et lors des fêtes consacrées à sa divinité, il était choisi pour accomplir l'exécution des victimes. Par ailleurs, bien que les femmes ne soient pas écartées de la profession de prêtresse, le geste sacrifiel ultime semble avoir été le monopole de l'homme.

Les différentes étapes du sacrifice humain

La fête est la manifestation la plus frappante de la violence et de la ferveur de la foi aztèque. Elle est quasiment quotidienne et sert de cadre au sacrifice humain qui en est sa finalité. La foule des dieux du panthéon aztèque explique le rythme vertigineux des périodes festives. La fête aztèque est un véritable spectacle permanent, monté et offert à la population par les castes dirigeantes. Sahagun témoignera du faste et de l'importance des agapes : "Le corps des esclaves était peint de jaune et leur visage de vermeil. Ils portaient un plumage en forme de papillon, fait avec les plumes rouges des perroquets. Ils tenaient dans leur main gauche un bouclier fait de plumes blanches, avec les serres qui pendaient. Les prisonniers étaient peints en blanc, ornés de guirlandes de papier, coiffés de plumes blanches." Le marchand désireux de donner une fête devait acheter "d'abord du maïs, des haricots, des graines d'amarante, du chile, du sel et des tomates, le tout en très grande quantité. Il devait ensuite se procurer les dindes, cent ou quatre-vingts, et les chiens, vingt ou quarante. En plus, il devait s'approvisionner en cacao, vingt charges ou plus, et acheter les écuelles, les vases, les corbeilles et toutes les autres chose nécessaires au repas."

Ces dépenses ruineuses pour ceux qui organisaient les festivités étaient compensées, nous l'avons vu, par le prestige social qui en découlait et par le fait même de participer à la gestion du pouvoir lié au sacrifice. La scène où se jouait la mise en scène sacrifielle se devait également d'être démesurée. Des temples monolithiques furent spécialement construits pour accueillir les acteurs et figurants du sacrifice humain. Les actes du rite sacrifiel s'accomplissaient toujours dans un ordre prédéterminé, tout était soigneusement préparé, rien n'était laissé au hasard. Quoi qu'en disent les textes, qui souvent abordent le fait d'être sacrifié comme une faveur, voire un titre honorifique, les victimes ne devaient pas se présenter devant leur bourreau, le sourire aux lèvres. Sinon un sourire d'hébété provoqué par les nuits blanches et les drogues de la préparation présacrifielle. Cette préparation avait pour but "d'anesthésier" la future victime en l'amenant à un épuisement physique total qui assurait aux prêtres le consentement halluciné du supplicié au moment de la mise à mort, et ainsi le bon déroulement du spectacle. Diverses méthodes étaient employées pour enlever toute énergie aux sacrifiés : privation de sommeil, jeûne, danses interminables et absorption de stupéfiants. "On les obligeait, rapporte Sahagun, à veiller toute la nuit en chantant et en dansant." Le prélude au sacrifice prenait parfois une tournure érotique lorsque la victime masculine se retrouvait entourée de plusieurs femmes qui se devaient d'égaler les déesses de l'amour. Le fameux jeu de balle mésoaméricain et autres simulacres de combats correspondent également à la dépense physique imposée par le sacrifice. Suite à ces préliminaires, dont l'objectif, rappelons-le, était de garantir une apparente et relative sérénité des sacrifiés, le moment fatidique arrivait et "au milieu de la nuit, ils plaçaient les captifs devant le feu et leur coupaient une mèche de cheveux sur le sommet du crâne...C'étaient les prêtres qui sacrifiaient les captifs. Ceux qui les avaient fait prisonnier ne les tuaient pas eux-mêmes; ils les apportaient à titre d'offrande; alors les prêtres s'en saisissaient, les prenaient par les cheveux et les conduisaient au sommet de la pyramide." (Florentine Codex, partie 3)

Par ce geste symbolique du prélèvement de la mèche de cheveux, le captif prenait le statut officiel d'offrande communautaire. Son triste sort en était jeté : "Les prêtres déposaient le captif sur la pierre, lui ouvraient la poitrine, lui fendaient la poitrine : alors ils coupaient le coeur, ils cassaient les fils du coeur..." (ibid) Le prêtre offrait alors à la divinité du jour choisi, le coeur sanglant et encore palpitant du captif, puis le déposait dans un récipient cérémoniel. Pour ce type de sacrifice, le plus répandu chez les Aztèques, le scénario demeurait immuable : éventration de la poitrine à l'aide d'un couteau de silex puis ablation du coeur. On imagine aisément l'effroi et la douleur de la victime quand la main du prêtre plongeait dans ses entrailles pour en arracher le coeur. Le nombre de sacrifiés variait selon l'importance des festivités. Quarante à cinquante personnes étaient nécessaires pour une fête digne de ce nom. L'apogée sacrifielle aztèque semble avoir atteint un summum dans la démesure lors de l'inauguration du Grand Temple de Tenochtitlan avec le chiffre, selon les textes, de 80 000 victimes en quatre jours ! Ce nombre de sacrifiés paraît improbable, voire impossible pour une ville de 200 000 habitants. Une estimation plus modérée de 4000 victimes apparaît dans d'autres textes. Mais ce chiffre, néanmoins, n'en reste t-il pas surprenant?

Chez les Aztèques, le sacrifice par arrachement du coeur a une valeur doublement symbolique. On trouve dans leur iconographie, de nombreuses images évoquant le soleil se nourrissant de coeurs humains. Quant au sang qui ruisselle le long des marches de pierre, il vient abreuver le dieu de la terre, qui elle même nourrit les hommes. D'autres scénarios sacrifiels aztèques existaient mais peu usités comme la décapitation, la crémation ou l'exécution par flèches. La mise à mort ne clôturait pas pour autant le spectacle sacrifiel aztèque. Suite au meurtre rituel, le cadavre de la victime pouvait être décapité, écorché, dépecé et consommé. La décapitation postsacrifielle est attestée par les fameux Tzompantli, structures de bois où se trouvaient empalés et exposés aux yeux de tous, les nombreux crânes des suppliciés. L'effet dissuasif était garanti. Quant à l'écorchement, où l'on revêtait la peau sanguinolente du sacrifié, s'il était d'un usage plus restreint, il n'en restait pas moins saisissant pour ceux qui y assistaient.

L'anthropophagie semble être le dernier acte du sacrifice humain où les dignitaires - les gens du peuple étaient exclus de cette pratique - se partageaient le corps de la victime. Ce cannibalisme postsacrifiel évoque la liturgie chrétienne, comme dans la communion divine "chacun d'eux mangeait un petit morceau du corps et l'on disait que c'était le coeur du dieu Uitzilopochtli." (Sahagun)

Les conquérants espagnols et les sacrifices humains

Les conquérants espagnols furent horrifiés par les sacrifices humains aztèques, dans lesquels, ils ne voyaient qu'une perversion démoniaque et auxquels en tant que chrétiens, ils se devaient d'y mettre fin. Le Conquistador Anonyme écrira : "Il est tout à fait notoire que ces gens voyaient le diable dans ces effigies qu'ils faisaient et qu'ils tiennent pour leurs idoles et que le diable s'introduisait à l'intérieur de ces idoles et de là s'adressait à eux et leur commandait de faire des sacrifices et de leur offrir des coeurs humains parce qu'elles ne se nourrissaient pas d'autre chose..."

Les Espagnols ne pouvaient comprendre la pratique du sacrifice humain dont l'inhumanité qu'elle représentait pour leur esprit européen, justifiait en même temps leurs pillages des richesses aztèques et leur conquête sanglante et destructrice du monde amérindien. Alors que le sang versé par les Aztèques, coulait non pas pour la possession de biens, mais pour le plaisir des dieux et que le sacrifice humain était un acte profondément sacré dont dépendait la continuité du cosmos.

Le silence amérindien

Entre 1492 et 1550, le monde amérindien sera alors englouti par la conquête espagnole. Quelques siècles plus tard, en 1936, un poète européen, Antonin Artaud, accostera dans le port de Vera Cruz et viendra rompre ce silence pour "suivre son rêve d'un retour à l'empire aztèque." (J. M. G. Le Clézio)

Le poète désespéré prendra la défense des cultures autochtones moribondes en écrivant : "Je suis venu au Mexique chercher une nouvelle idée de l'homme. Les dieux du Mexique sont les dieux de la vie en proie à une perte de force, à un vertige de la pensée. Oui, je crois en une force qui dort dans la terre du Mexique. C'est pour moi le seul lieu du monde où dorment les forces naturelles qui peuvent être utiles aux vivants. Je crois à la réalité magique de ces forces, comme on peut croire au pouvoir curatif et salutaire de certaines eaux thermales. Je crois que les rites indiens sont les manifestations directes de ces forces. Je ne veux les étudier ni en tant qu'archéologue, ni en tant qu'artiste, mais comme un sage, au vrai sens du mot; et j'essaierai de me laisser pénétrer en toute conscience de leurs vertus curatives, pour le bien de mon âme." ("Lettre Ouverte aux Gouverneurs de l'Etat", publiée le 19 mai 1936, dans le Nacional )

J.L.B

   

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