Sommaire
+ Certainement pas
+ Il parait que
+ In memoriam
+ Casse-moi, si tu peux
+ salauds de pauvres !
+ La mort d’un écrivain
+ C’est d’ennui que se ferment les yeux des lecteurs
+ Pause
+ "Quelque part, quelqu’un…"
+ La dernière soirée de la revue Perpendiculaire
+ Les instantanés amoureux de Mayumi
+ Dan Eldon ou la chute de l’ange de Mogadiscio
+ " Le jour se lève, ça vous apprendra "
+ Tazmamart : la honte du Maroc
+ A Manosque
+ " Sur ma route " de Carolyn Cassady
 
Dans les lettres que je reçois d’elle,
ce qui me touche le plus…
c’est le post-scriptum
 "
- Breton -
" Le jour se lève, ça vous apprendra " (Jacques Rigaut)

Pierre Molinier, peintre, photographe, fétichiste de la jambe et du talon aiguille, dans une spectaculaire mise en scène, le mercredi 3 mars 1976, allongé sur son lit devant un miroir , se tira une balle de colt 44 dans la tête. On trouva non loin du corps,  accrochée sur  un fauteuil Louis XV, une lettre avec ces mots : « Je soussigné et déclare me donner volontairement la mort, et j’emmerde tous les connards qui m’ont fait chier dans toute ma putain de vie. En foi de quoi je signe. P. Molinier »

Sur une table, un autre document manuscrit : « ça me fait terriblement chier de vivre et je me donne volontairement la mort et ça me fait bien rigoler. J’embrasse tous ceux que j’aime de tout mon cœur P. Molinier » Celui qui pensait que la mission de l’homme sur la Terre est de transformer le monde en immense bordel avait cessé de rire, dans un ultime geste de défi à cette société qu’il écrivait qu’elle le dégoûterait si quelque chose devait encore le dégoûter. Dans son appartement bordelais, Pierre Molinier s’était créé un univers dont il était le grand chaman, passer sa porte, a témoigné Pierre Bourgeade, ce n’était pas errer dans un monde marginal, c’était franchir le seuil d’un autre monde. Un monde de velours noir, de lourdes tentures et de miroirs dans lesquels se reflétaient ses créatures, mannequins aux visages de poupées dont les yeux de biche, derrière la voilette, semblaient scruter le visiteur. Mais le personnage principal, c’est le démiurge Molinier, qui ne cessera de se démultiplier dans d’étonnants autoportraits travestis dont les seules traces seront des merveilleux photo-montages au petit format en noir et blanc. Il faudrait enfin reconnaître Molinier pour ce qu’il est, un artiste contemporain de génie, précurseur de l’art corporel, et non pas « un petit pervers polymorphe » comme la bonne société bordelaise le laissait entendre. L’histoire de l’art devrait se pencher sur le cadavre de Molinier. Elle serait surprise de voir qu’il bande encore…

Rendons hommage à ceux qui défendent la mémoire et l’œuvre de Pierre Molinier, ils ne sont pas nombreux. Alain Oudin qui dirige la galerie « A l’enseigne des Oudins » fait partie de ces aficionados passionnés et passionnants. Ce galeriste enthousiaste présenta de juillet à octobre 2001 les œuvres de Molinier concernant  les deux décennies « magiques » de l’artiste, 1946-1966. Les visiteurs chanceux ont pu admirer dans un joyeux foutoir les photo-montages des années 50, des autoportraits, des lettres manuscrites et des objets « fétiches » dont le célèbre godemiché double, pièce principale du tableau titré O ! Marie, Mère de Dieu refusé par Breton pour la XIème  exposition surréaliste.

Jean-Luc Bitton

Le site de la galerie « A l’enseigne des Oudins » où l’on trouve plusieurs pages consacrées à Molinier : http://www.enseigne-des-oudin.com/index.htm

 

« Je n’y puis rien que mes tableaux ne se vendent pas. Le jour viendra, cependant, où l’on verra que cela vaut plus que le prix de la couleur et de ma vie en somme très maigre, que nous y mettons. » (Lettre de Vincent van Gogh à son frère Théo, le 20 octobre 1888)

$ 82, 500, 000 - Le Portrait du docteur Gachet par Van Gogh est toujours à la première place (au 11 novembre 2000) dans la liste des records de prix en vente aux enchères depuis 1985.

Est-ce que la main du commissaire-priseur trembla quand son marteau retomba sur cette adjudication record de  82,5 millions de dollars ? « Un jour la peinture de Van Gogh armée  et de fièvre et de bonne santé, reviendra pour jeter en l’air la poussière d’un monde en cage que son cœur ne pouvait plus supporter. » (Antonin Artaud) Ce 15 mai 1990 chez Christie’s à New York, un ange a dû passer sous les lambris de la salle de ventes. Le monde entier s’était interloqué du paradoxe de cette somme astronomique et de l’indigence de Van Gogh qui poussa le peintre au suicide. Judith Benhamou-Huet, collaboratrice de Chroniques Nomades, donne un début d’explication de ce paradoxe à travers un livre passionnant : Art Business, le marché de l’art ou l’art du marché. Elle démonte les mécanismes subtiles de ce qui fait le prix d’une œuvre d’art dont il ressort des ingrédients aussi divers que : arrangements, spéculation, reconnaissance sociale et snobisme. La conclusion est lumineuse : «  Aujourd’hui, dans la lutte interne qui anime le mariage contre nature entre le marché et l’art, c’est l’argent qui a pris le dessus. »

Art business de Judith Benhamou-Huet aux Editions Assouline

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