Pierre
Molinier, peintre, photographe, fétichiste de la jambe et du talon
aiguille, dans une spectaculaire mise en scène, le mercredi 3 mars
1976, allongé sur son lit devant un miroir , se tira une balle de
colt 44 dans la tête. On trouva non loin du corps, accrochée sur
un fauteuil Louis XV, une lettre avec ces mots : « Je soussigné
et déclare me donner volontairement la mort, et jemmerde tous
les connards qui mont fait chier dans toute ma putain de vie.
En foi de quoi je signe. P. Molinier »
Sur
une table, un autre document manuscrit : « ça me fait
terriblement chier de vivre et je me donne volontairement la mort
et ça me fait bien rigoler. Jembrasse tous ceux que jaime
de tout mon cur P. Molinier » Celui qui pensait que la
mission de lhomme sur la Terre
est de transformer le monde en immense bordel avait cessé de rire,
dans un ultime geste de défi à cette société quil écrivait
quelle le dégoûterait si quelque chose devait encore le dégoûter.
Dans son appartement bordelais, Pierre Molinier sétait créé
un univers dont il était le grand chaman, passer sa porte, a témoigné
Pierre Bourgeade, ce nétait pas errer dans un monde marginal,
cétait franchir le seuil dun autre monde. Un monde de
velours noir, de lourdes tentures et de miroirs dans lesquels se
reflétaient ses créatures, mannequins aux visages de poupées dont
les yeux de biche, derrière la voilette, semblaient scruter le visiteur.
Mais le personnage principal, cest le démiurge Molinier, qui
ne cessera de se démultiplier dans détonnants autoportraits
travestis dont les seules traces seront des merveilleux photo-montages
au petit format en noir et blanc. Il faudrait enfin reconnaître
Molinier pour ce quil est, un artiste contemporain de génie,
précurseur de lart corporel, et non pas « un petit pervers
polymorphe » comme la bonne société bordelaise le laissait
entendre. Lhistoire de lart devrait se pencher sur le
cadavre de Molinier. Elle serait surprise de voir quil bande
encore
Rendons
hommage à ceux qui défendent la mémoire et luvre de
Pierre Molinier, ils ne sont pas nombreux. Alain Oudin qui dirige
la galerie « A lenseigne des Oudins » fait partie
de ces aficionados passionnés et passionnants. Ce galeriste enthousiaste
présenta de juillet à octobre 2001 les uvres de Molinier concernant
les deux décennies « magiques » de lartiste, 1946-1966.
Les visiteurs chanceux ont pu admirer dans un joyeux foutoir les
photo-montages des années 50, des autoportraits, des lettres manuscrites
et des objets « fétiches » dont le célèbre godemiché double,
pièce principale du tableau titré O ! Marie, Mère de Dieu
refusé par Breton pour la XIème exposition surréaliste.
Jean-Luc
Bitton
Le
site de la galerie « A lenseigne des Oudins »
où lon trouve plusieurs pages consacrées
à Molinier : http://www.enseigne-des-oudin.com/index.htm
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« Je
ny puis rien que mes tableaux ne se vendent pas. Le
jour viendra, cependant, où lon verra que cela vaut
plus que le prix de la couleur et de ma vie en somme très
maigre, que nous y mettons. » (Lettre de Vincent
van Gogh à son frère Théo, le 20 octobre 1888)
$
82, 500, 000 - Le Portrait du docteur Gachet par
Van Gogh est toujours à la première place (au 11 novembre
2000) dans la liste des records de prix en vente aux enchères
depuis 1985.
Est-ce
que la main du commissaire-priseur trembla quand son marteau
retomba sur cette adjudication record de 82,5 millions de
dollars ? « Un jour la peinture de Van Gogh armée
et de fièvre et de bonne santé, reviendra pour jeter en lair
la poussière dun monde en cage que son cur ne
pouvait plus supporter. » (Antonin Artaud) Ce 15
mai 1990 chez Christies à New York, un ange a dû passer
sous les lambris de la salle de ventes. Le monde entier sétait
interloqué du paradoxe de cette somme astronomique et de lindigence
de Van Gogh qui poussa le peintre au suicide. Judith Benhamou-Huet,
collaboratrice de Chroniques Nomades, donne un début dexplication
de ce paradoxe à travers un livre passionnant : Art
Business, le marché de lart ou lart du marché.
Elle démonte les mécanismes subtiles de ce qui fait le prix
dune uvre dart dont il ressort des ingrédients
aussi divers que : arrangements, spéculation, reconnaissance
sociale et snobisme. La conclusion est lumineuse : «
Aujourdhui, dans la lutte interne qui anime le mariage
contre nature entre le marché et lart, cest largent
qui a pris le dessus. »
Art
business de Judith Benhamou-Huet aux Editions
Assouline
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