Sommaire
- les chroniques
- introduction
- carnet 1 : first exposure to asia
- carnet 2 : les routes de l'himalaya
- carnet 3 : le tigre de bengale
- carnet 4 : la route de l'inde
- carnet 5 : l'asie des rizières
- carnet 6 : aventures en birmanie
- carnet 7 : indochine
- carnet 8 : l’empire du milieu
- carnet 9 : l'empire du soleil levant.
 
Carnets sur la route d'Asie
[5] L'Asie des Rizières
par Nicolas Lenoir
Thaïlande
Cambodge

Laos

Après avoir passe quasiment deux mois sur le sous-continent indien (Népal et Inde), l'arrivée en Thaïlande est presque un choc culturel. L'avion de la Thai part à l'heure, le service à bord est impeccable, le personnel de bord est même souriant !! Arrive à Bangkok, c'est l'apothéose ! Un superbe aéroport, climatisé (et dont la clim fonctionne), des formalités douanières et policières expediées à une vitesse dont j'avais perdu l'habitude, des bagages aussitôt livres.

A la sortie, je ne suis même pas assailli par des rabatteurs en tout genre qui cherchent à me fourguer 'taxi', 'cheap hotel' ou leur belle-sœur. Je suis même presque déçu de passer autant inaperçu, j'en avais perdu l'habitude. J'opte pour le bus, a ma surprise le prix est fixe, même pas besoin de négocier, et il est climatise !! C'est en sortant de l'aéroport, en voyant un énorme panneau d'affichage aux couleurs de Lucent que j'en ai alors la certitude : "I am back to Civilization".

Thaïlande
 


Bangkok est une ville hyper moderne (bien plus moderne que Paris ou New York) avec de superbes gratte-ciel, un métro aérien flambant neuf (construit par Siemens) d'une performance remarquable, la ville est d'une propreté impeccable, et comparée à Calcutta me semble très peu polluée. Bref quel contraste par rapport à l'Inde !! Uncle Sam est définitivement passe par la Thaïlande et il y a semé nombre de McDonald's, Pizza Hut, KFC et même des Seven Eleven. Bangkok me rappelle un peu Seattle on y trouve autant de Starbucks café, et dans les deux villes les populations d'origine asiatique sont majoritaires.

On trouve tout à Bangkok. Au week-end market, un marché gigantesque qui n'a lieu que le week-end et on trouve tout : des poissons pour aquarium aux faux Levi's et Polo Ralph Lauren, j'ai eu la surprise de trouver au département des souvenirs des statues africaines en grande quantité. Ma conclusion (polémique) est la suivante : les soi-disant statues africaines que l'on trouve sur les trottoirs de Dakar ou dans les boutiques africaines de Paris sont "made in Thailand" en production de masse.

Alors que ses voisins tombaient au XIX siècle, sous le joug des colonialismes français, anglais et hollandais, la Thaïlande a toujours su habilement manœuvrer les grandes puissances occidentales et a pu ainsi maintenir son indépendance... pourtant on pourrait parfois croire que c'est une ancienne colonie allemande à en voir le nombre de teutons que l'on croise, et les nombreuses offres de " Frustuck" et " Bratwurst mit Brot" !!

La société Thai est très ouverte et permissive a condition de respecter 2 tabous : la royaute et le bouddhisme Le roi est ici vénéré par tous, sa photo géante trône à chaque carrefour, sur chaque building, le long des grandes avenues. Au cinéma, avant la projection, l'hymne national Thai résonne dans la salle et les photos de la famille royale apparaissent à l'écran, gare aux "farangs" (les étrangers blancs) qui ne se lèveraient pas !!!

Chaque homme Thai doit pour quelque temps (15 jours, 1, 3 mois ou plus) devenir moine pour se consacrer a l'étude du Bouddhisme et du Sanscrit. On n'imagine pas pendre la crémaillère dans une nouvelle maison sans inviter les moines afin qu'ils bannissent la nouvelle demeure et en expulsent les mauvais esprits.

Les Thai sont d'un contact très facile et apprécient volontiers la fréquentation des occidentaux (et ce, pas seulement sur les trottoirs de Patpong), ils se proposent volontiers de faire découvrir leur pays : d'aucune de m'avoir fait découvrir les vestiges d'Ayyatuya, l'ancienne capitale Siamaise détruite par les Burmans, un autre de m'avoir invite à Ko Samet, une ile superbe, bénie des dieux, a l'eau transparente, au sable blanc et fin, aux cocotiers resplendissants, et ou le 20 janvier, il faisait 28 degrés à l'ombre !!

J'ai mis fin à mon régime végétarien car les Thai sont définitivement carnivores, les satay sont décevants et la nourriture Thai réserve quelques surprises (outre le fait qu'elle est très épicée). J'ai mangé des soupes que l'on m'a affirmé être au poulet ou au porc ce dont je doute encore (je penche plutôt pour le chat ou le rat), mais j'avoue n'avoir pas pu avalé sauterelles, vers, cafards, et scarabées grillés qui sont pourtant des mets particulièrement appréciés ici. En quittant l'Inde, j'en avais marre du riz, c'est toujours le cas mais j'ai ajouté également à ma liste des plats dont je sature, les nouilles chinoises. J'ai par contre mangé en Thaïlande des mangues extraordinaires.

Tous ces peuples d'Asie du Sud Est considèrent que leur peau est non pas "jaune" comme on le dit en Europe mais noire, et ils n'ont de cesse, notamment les femmes, de blanchir cette peau pour tous les moyens : savon blanchissant, poudre pour blanchir le visage, poudre pour blanchir la peau des bébés et elles évitent le contact avec le soleil au maximum. Ainsi va le monde a l'envers : Les Thai à la peau mat cherchent par tous les moyens à la blanchir alors que les occidentaux cherchent à bronzer à tout prix.

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Cambodge
 


Soucieux de continuer ma petite investigation commencée a Pondichéry sur les restes de la présence française en Asie, je décide de me rendre au Cambodge.

La Thaïlande n'est certes pas un modèle de démocratie : coups et contre-coups s'y sont succédés, mais, par rapport à ses voisins, elle fait figure de modèle de stabilité politique. Relativement épargnée par la colonisation, et la guerre du Vietnam (sauf sur ses régions frontalières), la prospérité économique en est sans aucun doute une conséquence. Le Cambodge est malheureusement un témoignage poignant du contraire.


La Guerre, le Génocide, La Guérilla ont marqué le pays. J'ai lu dans un vieux livre que Phnom Pen était alors considérée comme la plus belle ville de l'Indochine française, c'est aujourd'hui difficile à croire. 1 Heure et demi d'avion sépare Bangkok et Phnom Pen mais il faudra encore de nombreuses années au Cambodge pour panser ses plaies et égaler le niveau de développement Thai.

L'arrivée à Phnom Pen de nuit est folklorique. Arrive à 21 heures, le bureau de change est déjà fermé. L'obtention d'un visa à l'arrivée est digne de Kafka, une rangée de fonctionnaires étoilés et décorés, armés soit de registres soit de tampons se succèdent alignés. Je donne mon passeport au premier et le passeport passe ainsi de main en main au septième qui me montre un tampon et m'en demande vingt dollars. Le visa est systématiquement accordé, rien n'est vérifié. Au moins au Cambodge c'est officiel, le visa ne sert à rien d'autre qu'à soutirer un peu de devises étrangères aux touristes.

Le minuscule aéroport désert débouche sur un terrain vague où attendent 1 taxi et quelques motos. J'opte finalement pour la moto taxi (amusant et peu dangereux vu la faiblesse du trafic -si les rares voitures ne grillaient pas systématiquement tous les feux rouges !). La règle semble être la même partout en Asie : priorité au véhicule le plus gros, pas de pitié pour les piétons ! Au bout de 20 minutes, me voici déjà au centre de Phnom Pen mais les rues y sont désertes (tout le contraire de Bangkok) comme si le couvre-feu planait encore sur la ville, on n'efface pas facilement 20 ans de guerre civile.

La ville est ceci dit fort agréable, au bord de la rivière se trouvent de nombreux cafés et restaurants (surtout français) dont le fameux Foreign Correspondent Club, un café à l'ambiance coloniale surannée avec d'énormes fauteuils en cuir, de hauts plafonds, de gros ventilateurs aux pales en bois, des meubles en bambous, et des murs peints dans un jaune chaleureux et très colonial, très apprécié par les lézards que l'on trouve en grand nombre sur ces murs. Le FCC domine la rivière et un lieu inégalé pour y apprécier le coucher de soleil.

L'influence française est très visible a Phnom Pen. Outre le fait que l'on y trouve baguettes et vache qui rit, que les (rares) personnes âgées (encore en vie) parlent le Français, on peut également y fumer des cigarettes " Alain Delon" fabriquées par la SEITA, "the taste of France" nous dit la publicité. Et oh folie j'ai même pu y déguster un couscous royal !!

Fin janvier a Phnom Pen, c'est déjà la fin de la saison sèche, orages tropicaux violents le soir (c'est la première fois que je vois la pluie depuis mon départ fin novembre), atmosphère chargée d'humidité qui rend poisseux toute la journée.

Mais passer cette façade, on se rend vite compte du très grand nombre de mendiants et surtout de malheureux mutilés notamment unijambistes, probablement victime des mines dont le sol du Cambodge regorge encore, dernier cadeau des Khmers rouges au peuple cambodgien.

L'essentiel des temples bouddhistes et monuments historiques ayant été détruits par les Khmers rouges , les principales curiosités touristiques de Phnom Pen sont les Killing Fields et la prison S21 (Tuol Sleng Museum), un centre de détention et de torture. Impossible ici de décrire cette visite morbide, ni l'émotion ressentie devant les photos de ces milliers de victimes (hommes, femmes, enfants, bébés) et de leurs cranes déterrés. Les mots ne peuvent exprimer l'émotion, la consternation et la colère que j'ai ressenties face à cette barbarie qui n'a d'égale que les crimes nazis et staliniens.

Au pouvoir de 75 à 79, Pol Pot, éduqué en France !, voulait faire table rase du passe et instituer une société autarcique, autosuffisante, sans élite, où la population aurait pour seule fonction celle de produire du riz (d'où suppression de la monnaie (devenue inutile), déportation forcée des populations des villes vers les campagnes, extermination systématiques des 'élites', mariage interdit sans consentement préalable du parti, encadrement constant des masses). Porter des lunettes ou parler une langue étrangère était synonyme de mort. C'est une maigre consolation que de se rendre compte que tout cela a échoué. Phnom Pen même marquée, revit, accueille des touristes étrangers de plus en plus nombreux, les jeunes parlent des langues étrangères (surtout l'anglais).

Je suis allé visiter le centre culturel français et c'est une merveille du genre : un centre très bien fait, une superbe bibliothèque, et surtout un centre très fréquenté par de nombreux jeunes Khmers qui témoignent ainsi par leur soif d'apprendre que la barbarie a échoué.

Ironie de l'histoire, faute de monnaie nationale sous Pol-Pot, le dollar américain est devenu de fait la monnaie la plus utilisée au Cambodge !! Le roi Sihanouk (on peut visiter une partie de son palais a Phnom Pen mais cela n'a absolument aucun intérêt) a eu toujours eu une attitude on ne peut plus ambiguë par rapport aux Khmers Rouges et pourtant la population l'adore. L'Asie demeure parfois un mystère impénétrable...

Le gouvernement est en train d'installer des passages cloutés à Phnom Pen. Séduit par l'initiative qui redonne enfin quelques droits aux piétons, je profite de l'occasion pour demander aux chauffeurs de taxi-moto dont j'utilise les services ce qu'ils en pensent. A ma grande surprise, je constate qu’aucun d'entre eux n'a pas la moindre idée de l'utilité de la chose. Et pis, lorsque je leur en explique le principe, ils se mettent unaniment à rire en m'affirmant que cela ne marchera jamais !! Ainsi va la vie à Phnom Pen.

Pour me rendre à Angkor, j'opte pour le bateau rapide. Sur le papier cela semble très alléchant : remonté de la rivière jusqu'à Angkor en 6 heures (contre 12 en bus) avec au passage un certain nombre de villages flottants à découvrir. Malheureusement, le bateau rapide est 1. pleins de touristes, 2. équipé d'un moteur de type tondeuse a gazon qui fait un bruit assourdissant (même avec le port de mes boules Quies c'est insupportable). Quant aux habitants des villages flottants, ils doivent haïr ces bateaux qui troublent leur quiétude en passant à toute allure et créant des remous. Ceci dit ces villages sont extraordinaires : des maisons de bois et de bambous construit sur des pirogues : 300 à 400 maisons bateaux forment ainsi un village avec son épicerie flottante, son marché, ses ateliers...

Les maisons khmères traditionnelles des campagnes sont toutes construites en bois et sur pilotis afin d'éviter les inondations au temps de la mousson. Ces maisons sont bâties au bord des rizières dont le vert tendre est éclatant et offrent des paysages magnifiques. Le travail aux champs se fait encore beaucoup manuellement et c'est grande beauté que de voir ces scènes champêtres où hommes, femmes et enfants vêtus de leurs sarongs et du chapeau traditionnel en bambous tressés se livrent paisiblement au travail dans les rizières Ces rizières j'ai pu les apprécier longuement, car la moto qui me ramenait d'Angkor pour prendre le bateau est soudainement tombée en rade, en pleine campagne et il s'en est fallu de peu que je rate le bateau du retour (un par jour) et me retrouve coincé au milieu de ces rizières.

Inutile de décrire ici les fabuleux temples Angkoriens tout a été dit ou écrit sur le sujet par des gens bien plus qualifiés que moi : c'est superbe. Des temples magnifiques qui se dressent au milieu de la jungle. Le site est très vaste et on le visite en moto-taxi, J'y ai passé trois jours et cela les vaut bien. Bien sur avec les mines et les serpents, je n'osais même pas m'éloigner du sentier principal pour faire pipi !!

Le site est très protégé par la police et l'armée afin d'y prévenir le pillage des temples (pour le compte des collectionneurs d'art voire même des musées occidentaux). Le plus célèbre pilleur des temples Angkorien est un certain André Malraux, enterré au Panthéon, qui s'illustra dans les années 30 par un pillage massif (il fut arrêté en possession de nombreuses statues).

Je doute cependant de l'efficacité de la police khmère étant donné que le visiteur ne peut pas faire trois pas dans chaque temple sans voir un policier qui propose de lui vendre son badge, ou son couteau... si les policiers sont aussi vifs à proposer les trésors qu'ils sont supposés garder, il vaut mieux visiter Angkor rapidement avant qu'il n'y reste plus rien.

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Laos
 


Ventiane est une ville pleine de charme. Difficile de croire cependant que c'est une capitale vue la rapidité avec laquelle on en fait le tour (elle compte 133,000 habitants, 260,0000 avec son agglomération). Mais le Palais Présidentiel et la présence de quelques Ambassades attestent de son rang de capitale. A ce titre, la présence de l'Ambassade du Vietnam "coincée" entre le Ministère des Affaires Etrangères et le Palais Présidentiel laisse planer peu de doute sur la main-mise politique du pays par son puissant voisin.

Seules quelques artères principales sont goudronnées, ce qui rend la ville fort agréable à visiter à vélo. La circulation est quasiment inexistante hormis quelques motos, et camions. Quand je pense que mon frère m'avait mis en garde contre la pollution de la ville, je lui conseille d'éviter les villes indiennes si c'est pour lui ça la pollution. !!

Les Laotiens sont d'une gentillesse extrême à la limite de la nonchalance et qui n'a égale que leur lenteur. A la sortie de l'aéroport, quelques chauffeurs de taxi se proposent sans bousculade de nous conduire en ville. Interrogés sur le prix, ils se concertent, et proposent timidement, l'air gêné, un prix de 5$. A voir leur mine coupable (ils n'ont pas encore bien l'habitude d'arnaquer les touristes, ils devraient aller faire des stages en Ind se décider à nous prendre. Alors qu'en Inde ou au Cambodge, une fois le prix conclu, les taxis se jetaient sur mes bagages de crainte de me voir filer avec un concurrent, on dirait qu'au Laos c'est le contraire. Il semblerait qu'aucun chauffeur ne veuille prendre la course de crainte d'offenser ses collègues. Finalement, nouvelles concertations, grands sourires et l'un d'eux est finalement collégialement désigné. Très gentil, il réussit quand même l'exploit unique de se perdre dans la ville qui doit être plus petite que n'importe quelle sous-préfecture française et qui compte à tout casser une dizaine d'hôtels !

Comme au Cambodge, la monnaie locale, le Kip ne vaut rien (1 dollar vaut 7500 kips) et l'on se retrouve rapidement le portefeuille bourré de liasse de billets (le billet le plus gros vaut 5000 kips). La moindre bouteille d'eau vaut 1000 kips et pour les achats à peine plus élevés, les Lao préfèrent le roi dollar ou le bath thaï. Ceci crée ainsi parfois des situations amusantes : on peut dans un restaurant avoir une addition présentée en dollar que l'on peut choisir de payer en Bath et pour laquelle la monnaie sera rendue en Kip!!

Ventiane offre à visiter quelques temples intéressants : recouverts de feuilles d'or ces temples brillent de tous leurs feux quand le soleil est haut et dégagent une lumière chaude et chaleureuse au coucher. Ces temples ne sont cependant pas bien vieux car le pays a été maintes fois mis à sac, notamment par les Thai qui se donnèrent à chaque fois malin plaisir à réduire les temples en poussière.

Quelques bâtiments coloniaux construits par les Français demeurent, mais en devine à les voir que le Laos ne fut jamais une priorité et que la ville ne connut sous les Français jamais le faste de Pondichéry, Hanoi ou Phnom Pen. Le manque intérêt des français pour leur protectorat se manifeste également dans le réseau routier. Alors qu'au Vietnam et Cambodge, de superbes voies de communication étaient construites, le Laos lui n'a hérité que d'une misérable route (la coloniale numéro 3) dont le goudronnage vient à peine être achevé.

Mais au moins comme à Phnom Pen, les Français ont laissé au Laos une tradition de cafés et de bons restaurant qui donnent à la ville une atmosphère très paisible et reposante. On prend plaisir à se poser à la terrasse d'un café, à prendre le soleil, un peu plus loin coule le Mékong. On rencontre de nombreuses personnes (notamment des personnes âgées) qui parlent français, beaucoup plus qu'au Cambodge (l'épuration des Khmers rouges n'est pas passée par-là).

Les Lao donnent une place très importante à la religion et les moines bouddhistes, aux cranes rasés, jeunes et moins jeunes, drapés dans leurs tuniques oranges sont légions. On les voit le matin entre 5 et 7 heures en file indienne, leur gamelle à la main, collecter la nourriture que les fidèles leur offrent pieusement. Les moines ne travaillent pas, se consacrent à l'étude et la prière, ne disposent d'aucuns revenus et sont nourris charitablement par les fidèles. Les moines ne doivent jamais toucher une femme et leurs lèvres ne peuvent pas toucher ce qui a été touche précédemment par des lèvres impures (ainsi en proposant une rasade de ma bouteille d'eau à un moine qui me semblait assoiffé ai-je commis un sacrilège).

Les Lao sont très croyants. Alors que discutant avec une jeune laotienne passionnée par la France et parlant un petit peu le français, je lui demandais si elle comptait se rendre en France prochainement, à ma grande surprise je l'entendis me répondre "non certainement pas pendant cette vie, mais dans une autre vie j'espère bien !!". Le gouvernement l'affirme "bouddhisme et communisme font bon ménage".

La route entre Ventiane et Luang Prabang est réputée dangereuse car dans le passé (encore récent) des rebelles aimaient à y faire des embuscades, cependant depuis le goudronnage récent de la route et le renforcement de la présence militaire au niveau de Kasi, la route est bien plus fiable, je n'y ai constaté aucun signe d'activité subversive.

Les horaires des bus au Laos sont INDICATIFS. En fait, les bus partent dès qu'ils sont pleins et vu que le gouvernement semble se plaire à gérer la pénurie ils sont rapidement pleins. Pleins au Laos voulant dire : tous les sièges occupés mais également la rangée du milieu dans laquelle on a rajouté des tabourets. Le trajet entre Luang Prabang et Ventiane dure une dizaine d'heures, il vaut mieux arriver bien en avance, j'ai fait l'aller sur un tabouret au milieu du bus, je sais de quoi je parle. Ainsi au retour, le bus dont le départ était annoncé pour 6H30 le matin fut plein a 5H45 et parti à 5H50. L'ambiance dans le bus est très chaleureuse, rapidement les Laotiens sortent le whisky lao et en offrent la tournée. Je préfère m'abstenir vu les virages de la route.

Luang Prabang, ancienne capitale royale, est une ville charmante, très reposante, où l'on peut y apprécier la splendeur du Mékong et de nombreuses vieilles demeures coloniales et temples. Classée au Patrimoine Mondial de l'Unesco la ville ne manque pas de charmes.

A Luang Prabang, on peut notamment visiter le palais royal. Le roi y demeurait jusqu'à la révolution de 1975, la salle du trône y est impressionnante mais les appartements privés beaucoup moins : la chambre du roi et de la reine ne sont pas vraiment fidèles à l'image que je me faisais des fastes de la monarchie. Les chambres sont certes hautes de plafond mais le mobilier- peu nombreux - est d'une banalité attristante, les murs sont blancs et tristes, les fenêtres ne donnent pas sur l'extérieur et le joli jardin. On se croirait dans une grande chambre d'hotel d'un deux étoiles décrépi. C'est loin être Versailles. Et dire que les Laotiens ont laissé, après la révolution, mourir leur roi de privation de soins et de nourriture dans une cave au Nord du pays pour le punir de ses abus, cela peut sembler bien exagéré !!

Le Laos offre des paysages extraordinaires, pays montagneux il permet au voyageur de multiples activités : vélo, spéléo, trekking, rafting. Le vélo est à consommer avec modération car 1. les vélos sont chinois et lourds et 2. les routes non goudronnées et non damées 3. ça monte dure !! Mais cela permet de découvrir des villages épargnés par les touristes, à l'habitat traditionnel fait de bambous tressés (superbe).

Je me suis ainsi rendu en vélo à des cascades magnifiques. Après une route éprouvante, tout poussiéreux, on arrive à une petite rivière au milieu de la forêt équatorial. On remonte cette rivière bien paisible à bord d'une petite pirogue. Au loin un jeune garçon pratique la pêche traditionnelle au filet, des jeunes filles font la lessive en riant et en regardant les étrangers d'un oeil espiègle. Enfin après ce court voyage en pirogue mais qu'on aimerait voir durer plus longtemps tant il est charmant et intemporel, on prend un chemin de terre que l'on escalade. Apres une marche sur un chemin escarpé, on découvre ces chutes d'eau merveilleuses, dont l'eau rafraîchissante repose de la longue route.

Rencontre aux cascades d'un groupe de citadins venus également se rafraîchir. Is baragouinent un peu d'anglais, et nous invitent à partager leur déjeuner (riz gluant et saucisses de porc sucrées). On est samedi tout le monde est détendu, rapidement le lao-lao (alcool de riz) sort des sacs et le verre passe de bouche en bouche. Contrairement à l'occident on l'on boit tous ensemble, ici on boit chacun à tour de rôle, sous le regard approbateur des autres.

Apres plusieurs verres, nous réalisons que nous sommes venus à vélo et que de longues montées nous attendent, nous décidons donc de prendre congés. C'est la tête déjà un peu lourde que nous repartons. A mi-chemin sur la route du retour, nous traversons un village en fête et décidons de nous y arrêter pour nous y sustenter (le riz gluant du midi était un peu léger). A peine avons-nous commandé notre soupe aux nouilles et abats (seul choix au menu), que quelques villageois d'humeur festive nous proposent de partager avec eux leur BeerLao (la bière locale), il serait de mauvais ton de refuser et nous voila reparti pour un tour. Le verre unique circule de bouche en bouche et la bière coule à flot. C'est donc la tête très lourde, le guidon hésitant que nous regagnons enfin Luang Prabang en soirée.

En ce qui concerne la spéléo, le Laos regorge de grottes que l'on peut explorer avec casque, lampe frontale et guide locale. Je suis à ce titre très fier de moi car j'ai réussi à vaincre ma claustrophobie légendaire et me suis retrouvé sous terre à ramper coincé entre la terre boueuse sous mes cotes et des rochers sur mon dos. L'air est rare et chaud, c'est très angoissant et très grisant en même temps.

Ma tentative de trekking a été moins heureuse. Je voulais partir découvrir les villages des minorités Hmong au fond des montagnes laotiennes. J'ai mobilisé une journée à l'organisation de ce trek pour un résultat absolument nul :
les agences de voyage laotiennes sont d'une incompétence totale, elles ne savent vendre que du voyage organisé en bus pour touristes du Nord de l'Europe à ventres bidonnants de préférence. Devant cette incompétence, je pars à la recherche désespérée du fameux guide Timothée (apparemment le seul guide de tout Luang Prabang), partit en excursion depuis 4 jours et toujours pas revenu. L'organisation de mon trekking est compliqué par le fait qu'officiellement les autorités laotiennes interdisent aux touristes de passer la nuit dans les villages. Finalement après avoir rencontré maints guides potentiels, aucun vraiment convaincant car soit ne parlant pas anglais, soit visiblement incompétents, soit n'inspirant pas confiance, je renonce au trek et me contente de faire comme tout le monde de louer un bateau pour la journée et de me rendre aux Pakou caves, des grottes pleines de statues de boudas.

J'aurai pu me passer de cette visite (le seul intérêt c'est la ballade en bateau sur le Mékong) : la grotte est sans intérêt (j'ai vu tellement déjà de bouddhas depuis que je suis en Asie que je commence à saturer sur les bouddhas), mais surtout ce qui est pitoyable, ce sont les "authentiques villages Lao" que l'on montre aux touristes en se rendant à Pakou. Ainsi les tours opérateurs déversent dans ces "authentiques villages" des hordes de touristes qui prennent en photo " une authentique femme" en "authentique habit traditionnel" en train de piler du piment ou de passer le riz au tamis. Ensuite, ces touristes, eux bien-authentiques, se donnent grand plaisir à acheter des "authentiques produits de l'artisanat local d'utilité quotidienne" (ce qui m'étonne ce qu'il me semblait déjà avoir vu à Bangkok sur le marché central ces objets avec une étiquette made in Thailand). Les Laotiens sont nouveaux sur l'échiquier du tourisme mondial mais ils apprennent très vite. Fort heureusement, le tourisme de masse n'en est qu'à ses balbutiements et il suffit de parcourir quelques kilomètres à pied ou en vélo pour quitter ces attrapes-touristes.

Prochaine étape : La Birmanie

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