Sommaire
- les chroniques
- introduction
- carnet 1 : first exposure to asia
- carnet 2 : les routes de l'himalaya
- carnet 3 : le tigre de bengale
- carnet 4 : la route de l'inde
- carnet 5 : l'asie des rizières
- carnet 6 : aventures en birmanie
- carnet 7 : indochine
- carnet 8 : l’empire du milieu
- carnet 9 : l'empire du soleil levant.
 
Carnets sur la route d'Asie
[3] Le Tigre de Bengale
par Nicolas Lenoir
L'Inde est, parait-il, un très joli pays mais les autorités font tout leur possible pour y décourager les visiteurs. J'ai passe une demi-journée à faire la queue à différents guichets du consulat indien tout cela pour obtenir finalement l'autorisation de remplir le questionnaire de demande d'autorisation de Visa. Je dois maintenant y retourner dans une semaine pour voir si mon nom apparaît sur la liste affichée sur les murs du consulat, il s'agit de la liste des heureux élus qui sont autorisés à obtenir un visa. Cela me rappelle les résultats du bac.
 

Cette semaine d'attente me laisse le temps d'aller découvrir une autre partie du Népal : le Teraï, région tropicale qui constitue la frontière avec l'Inde. Contrairement au reste du pays, c'est une région basse (seulement 200m d'altitude) qui abrite la jungle, repaire des léopards, tigres et autres Rhinocéros. Je décide donc de partir visiter le Royal Chitwan National Park (c'est un peu comme Thoiry en plus grand et beaucoup plus réel !) et d'aller chasser  le fameux tigre du Bengale. Alors  que l'on comptait 60,000 tigres au début du siècle, ils ne sont aujourd'hui plus que 5000 dont 3,000 dits du Bengale, parmi eux environ 300 vivent au Népal. Sujet de nombreux mythes et légendes, le Tigre de Bengale paré de sa somptueuse robe jaune rayée de noir mérite bien son qualificatif de royal. L'apercevoir est un privilège rare.


Apres les cimes glacées de l'Himalaya, je décide donc de rejoindre la chaleur moite de la jungle pour rechercher ce mythique animal. Comme d'habitude la distance qui sépare Katmandu de Chitwan est ridicule (une centaine de km) mais il faut bien 7 heures pour y parvenir. Le voyage est banal : routes désastreuses, bus bondé, pistes escarpées à flanc de montagnes, paysages enchanteurs bref un voyage somme toute bien classique. Les températures se réchauffent de manière significative à mesure que nous approchons du Teraï, et la jungle qui se manifeste par son exubérance et la luxurieuse de sa végétation fait subitement son apparition.

Débarqué à Chitwan, je me loge dans un hôtel de fortune et commence à me renseigner sur la possibilité de monter une expédition à la recherche de ce fameux tigre. J'interroge quelques touristes qui sortent du parc, aucun ne l'a vu, l'animal se terre, l’expédition ne sera pas facile. Je finis par rallier à mon projet deux compagnons de route à qui la lecture de Kipling a également mis l'eau à la bouche. Nous engageons 2 guides locaux qui connaissent le terrain et préparons notre matériel : boussole, torches, réserve d'eau, bâton, sac de couchage, vivres. La quête qui nous mènera au fond de la jungle et du parc sera probablement longue. Nous obtenons des autorités notre laisser-passer pour circuler librement dans le parc et commençons à pied notre équipée.

Nos guides nous expliquent sommairement quelques consignes de sécurité : les animaux les plus dangereux sont les ours : c'est l'animal le plus imprévisible et le plus redoutable du parc car il s'attaque à l'homme. Il poursuit sa proie jusqu'à dans les arbres pour la mettre en pièce. Face à lui, nous ne sommes équipes que de bâtons, espérons que l'animal ne croisera pas notre route. Les Rhinos, très nombreux, peuvent également nous charger. La parade est cependant plus aisée, il suffit soit de monter aux arbres, soit zizaguer entre des arbres, l'animal est si myope qu'il chargera sans doute l'arbre dans sa confusion. Les léopards peuvent également être redoutables mais ils ne s'attaquent que rarement à l'homme.  Quant aux tigres, nos guides qui les vénèrent, nous expliquent que ce sont les plus gentils des animaux et que face à eux, nous ne courrons aucun risque.

Rassurés, l'aventure peut commencer. Nous commençons à nous enfoncer dans le parc, la végétation est luxuriante, démesurée. La jungle est surtout composée de sals, arbres au feuillage épais qui rend difficile le passage de la lumière. Nous y apercevons de nombreux daims et autres antilopes. Le plus surprenant d'entre eux étant le 'barking deer' qui ressemble à Bambi mais abois comme un chien : très surprenant ! ! Apres plusieurs heures de marche, nous quittons la forêt pour nous retrouver dans la Savane où pousse des herbes géantes sur des terrains marécageux. L'avancée devient difficile car il faut se frayer un chemin au milieu de ses herbes géantes, terrain de prédilection pour les Rhinos que nous croisons en grand nombre et qui ralentissent notre progression car il nous faut alors rebrousser chemin pour les contourner. Les rencontres avec ces animaux étranges qui me semble tout droit venir de la préhistoire sont cependant magnifiques. Et saisir sur le vif  quelques secondes d'un Rhino qui s'ébroue ainsi dans la nature a quelque chose de magique.


Nous longeons bientôt un lac aux eaux croupissantes au bord duquel de nombreux crocodiles se pavanent au soleil. De couleur grise, on pourrait si l'on y prenait garde les confondre avec des troncs d'arbres, illusion renforcée par leur immobilité totale. Mais l'impression est trompeuse et la pauvre antilope qui s'est égarée dans ce marécage en témoigne tragiquement. Horrifiés par ce carnage, nous quittons ces marigots infestés et retrouvons avec plaisir la Savane asséchée.

Sur un chemin dégagé, notre guide trouve enfin un premier signe, notre excitation est à son comble. Sur le terrain sablonneux et poussiéreux, l'emprunte du tigre est bien visible. Nous suivons cette trace, bientôt une petite crotte laissée par le félin nous confirme que nous sommes sur la bonne voie. Nos guides sont formels, elle est fraîche, le tigre était encore là il y a peu. Un bruit suspect retient toute notre attention, nous regardons avec angoisse le buisson, mais fausse alerte, il ne s'agit que de 'chicken jungle' selon notre guide ! (à quand les 'pigeons jungle' je lui demande mais il ne semble par comprendre la blague).Le jeu de piste me rappelle mes années de scoutisme c'est assez palpitant.

Mais notre enthousiasme est bientôt refroidi par notre guide qui à coté des empruntes du matou nous montre également une empreinte encore plus fraîche d'un ours, cet animal si redouté. Face au danger, nous décidons donc d'arrêter nos recherches pour l'instant et de bivouaquer pour la nuit. Celle-ci tombe vite, les bruits de la nuit sont à la fois envoûtant et terrifiant : cris d'oiseaux, craquement de branches, mugissements divers. Autant de bruits insolites et étrangers. Autour du repas, nos guides nous racontent de fabuleuses histoires dont le héros est toujours le fameux tigre.

Réveillés de bonne heure par les bruits de la jungle nous poursuivons notre piste. Il faut malheureusement se rendre à l'évidence, le vent, l'humidité du petit matin ont effacé les traces de la veille et il nous faut trouver une nouvelle piste. Nous décidons de rejoindre un lac au milieu de la jungle réputé pour être un lieu fort apprécié des tigres. Pour y parvenir, il nous faut traverser marécages et terrain dominés par des herbes de plus de 20m de haut.


Aucun sentier n'existe, il nous faut donc parcourir ces quelques km à dos d'éléphants. Ces animaux puissants et somptueux ont étrangement été totalement domestiqués et nous réussissons à négocier la location de deux d'entre eux à des paysans qui les utilisent comme bêtes de somme. C'est un spectacle étonnant que de voir le Cornac, petit homme d'à peine 1m60, dominé ce mastodonte. Il manœuvre éléphant uniquement avec ses pieds qu'il bloque derrière les oreilles du géant. Quelques orteils suffisent à diriger le pachyderme. J'apprends que l'éléphant d'Asie (3t) est bien plus petit que son cousin africain (4t) qu'il se nourrit de 270 kg de végétaux par jour et que sa gestation dure 22 mois.


La puissance de l'éléphant nous permet de nous frayer un chemin a travers les herbes géantes au milieu desquels nous rencontrons de nombreux rhinos mais cette fois, haut perchés sur nos mastodontes, nous ne sommes plus effrayés. Finalement après plus de 3 heures à dos d’éléphant nous arrivons - les fesses endolories - auprès du fameux lac et quittons là nos montures. Nous les voyons s'éloigner et je suis surpris de constater avec quelle légèreté, ces 3 tonnes s'éloignent sans bruit et sans faire trembler le sol.

Le lac est ravissant, au loin, très loin derrière la brousse, on aperçoit toujours les montagnes et leurs neiges éternelles. Quel contraste avec nos températures tropicales ! Nous avons cependant peu le temps de nous préoccuper des paysages car notre attention est attirée par des cris provenant des arbres à proximité. Il s'agit de singes qui s'égaient et batifolent allégrement. Nous approchons pour regarder de plus prêt ce spectacle. Que les singes sont drôles ! Quelle bande de pitres ! Conscient de notre présence, ils semblent s'en donner à cœur joie et prendre plaisir à nous offrir ce magnifique spectacle.

Mais brutalement celui-ci tourne court, les singes disparaissent sans que nous en comprenions la raison et soudain nous entendons un grognement dans notre dos. C'est alors un grand calme dans la jungle, elle d'habitude si pleine de bruits d'oiseaux, de bruissements de feuilles semble être endormie et ne plus respirer. Sa majesté le tigre vient de s'annoncer, le temps suspend son vol, les animaux leur souffle, et nous muets par l'émotion et tétanisés par la peur, nous voyons ce gros chat tourner trois fois autour de nous, lancer un grognement rageur pour rappeler qui est le maître ici, puis tranquillement s’éloigner nous laissant penauds et tremblants au milieu de cette jungle qui lentement se ranime.

Voici, ami lecteur, la conclusion que faute d'avoir vécue, il me plait de vous dire car de tigres je n'en ai point vu. A peine ai-je entendu son grognement, et après 3 jours de jungle tout penaud suis rentré. Car il en est à Chitwan du tigre comme de l'Arlésienne, nombreux sont ceux qui en parlent mais raressont ceux qui l'ont vu.

haut
[ < précédente ] [ suivante > ]
   

Informations et commentaires à infos@chroniques-nomades.net
Copyright 1997-2003 - Chroniques Nomades