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Cette
semaine d'attente me laisse le temps d'aller découvrir
une autre partie du Népal : le Teraï, région
tropicale qui constitue la frontière avec l'Inde.
Contrairement au reste du pays, c'est une région
basse (seulement 200m d'altitude) qui abrite la jungle,
repaire des léopards, tigres et autres Rhinocéros.
Je décide donc de partir visiter le Royal Chitwan
National Park (c'est un peu comme Thoiry en plus grand
et beaucoup plus réel !) et d'aller chasser
le fameux tigre du Bengale. Alors que l'on comptait
60,000 tigres au début du siècle, ils
ne sont aujourd'hui plus que 5000 dont 3,000 dits du
Bengale, parmi eux environ 300 vivent au Népal.
Sujet de nombreux mythes et légendes, le Tigre
de Bengale paré de sa somptueuse robe jaune rayée
de noir mérite bien son qualificatif de royal.
L'apercevoir est un privilège rare.
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Apres les cimes glacées de l'Himalaya, je décide
donc de rejoindre la chaleur moite de la jungle pour rechercher
ce mythique animal. Comme d'habitude la distance qui sépare
Katmandu de Chitwan est ridicule (une centaine de km)
mais il faut bien 7 heures pour y parvenir. Le voyage
est banal : routes désastreuses, bus bondé,
pistes escarpées à flanc de montagnes, paysages
enchanteurs bref un voyage somme toute bien classique.
Les températures se réchauffent de manière
significative à mesure que nous approchons du Teraï,
et la jungle qui se manifeste par son exubérance
et la luxurieuse de sa végétation fait subitement
son apparition.
Débarqué à Chitwan, je me loge dans
un hôtel de fortune et commence à me renseigner
sur la possibilité de monter une expédition
à la recherche de ce fameux tigre. J'interroge
quelques touristes qui sortent du parc, aucun ne l'a vu,
l'animal se terre, l’expédition ne sera pas facile.
Je finis par rallier à mon projet deux compagnons
de route à qui la lecture de Kipling a également
mis l'eau à la bouche. Nous engageons 2 guides
locaux qui connaissent le terrain et préparons
notre matériel : boussole, torches, réserve
d'eau, bâton, sac de couchage, vivres. La quête
qui nous mènera au fond de la jungle et du parc
sera probablement longue. Nous obtenons des autorités
notre laisser-passer pour circuler librement dans le parc
et commençons à pied notre équipée.
Nos guides nous expliquent sommairement quelques consignes
de sécurité : les animaux les plus dangereux
sont les ours : c'est l'animal le plus imprévisible
et le plus redoutable du parc car il s'attaque à
l'homme. Il poursuit sa proie jusqu'à dans les
arbres pour la mettre en pièce. Face à lui,
nous ne sommes équipes que de bâtons, espérons
que l'animal ne croisera pas notre route. Les Rhinos,
très nombreux, peuvent également nous charger.
La parade est cependant plus aisée, il suffit soit
de monter aux arbres, soit zizaguer entre des arbres,
l'animal est si myope qu'il chargera sans doute l'arbre
dans sa confusion. Les léopards peuvent également
être redoutables mais ils ne s'attaquent que rarement
à l'homme. Quant aux tigres, nos guides qui
les vénèrent, nous expliquent que ce sont
les plus gentils des animaux et que face à eux,
nous ne courrons aucun risque.
Rassurés, l'aventure peut commencer. Nous commençons
à nous enfoncer dans le parc, la végétation
est luxuriante, démesurée. La jungle est
surtout composée de sals, arbres au feuillage épais
qui rend difficile le passage de la lumière. Nous
y apercevons de nombreux daims et autres antilopes. Le
plus surprenant d'entre eux étant le 'barking deer'
qui ressemble à Bambi mais abois comme un chien
: très surprenant ! ! Apres plusieurs heures de
marche, nous quittons la forêt pour nous retrouver
dans la Savane où pousse des herbes géantes
sur des terrains marécageux. L'avancée devient
difficile car il faut se frayer un chemin au milieu de
ses herbes géantes, terrain de prédilection
pour les Rhinos que nous croisons en grand nombre et qui
ralentissent notre progression car il nous faut alors
rebrousser chemin pour les contourner. Les rencontres
avec ces animaux étranges qui me semble tout droit
venir de la préhistoire sont cependant magnifiques.
Et saisir sur le vif quelques secondes d'un Rhino
qui s'ébroue ainsi dans la nature a quelque chose
de magique.
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Nous longeons bientôt un lac aux eaux croupissantes
au bord duquel de nombreux crocodiles se pavanent au soleil.
De couleur grise, on pourrait si l'on y prenait garde
les confondre avec des troncs d'arbres, illusion renforcée
par leur immobilité totale. Mais l'impression est
trompeuse et la pauvre antilope qui s'est égarée
dans ce marécage en témoigne tragiquement.
Horrifiés par ce carnage, nous quittons ces marigots
infestés et retrouvons avec plaisir la Savane asséchée.
Sur un chemin dégagé, notre guide trouve
enfin un premier signe, notre excitation est à
son comble. Sur le terrain sablonneux et poussiéreux,
l'emprunte du tigre est bien visible. Nous suivons cette
trace, bientôt une petite crotte laissée
par le félin nous confirme que nous sommes sur
la bonne voie. Nos guides sont formels, elle est fraîche,
le tigre était encore là il y a peu. Un
bruit suspect retient toute notre attention, nous regardons
avec angoisse le buisson, mais fausse alerte, il ne s'agit
que de 'chicken jungle' selon notre guide ! (à
quand les 'pigeons jungle' je lui demande mais il ne semble
par comprendre la blague).Le jeu de piste me rappelle
mes années de scoutisme c'est assez palpitant.
Mais notre enthousiasme est bientôt refroidi par
notre guide qui à coté des empruntes du
matou nous montre également une empreinte encore
plus fraîche d'un ours, cet animal si redouté.
Face au danger, nous décidons donc d'arrêter
nos recherches pour l'instant et de bivouaquer pour la
nuit. Celle-ci tombe vite, les bruits de la nuit sont
à la fois envoûtant et terrifiant : cris
d'oiseaux, craquement de branches, mugissements divers.
Autant de bruits insolites et étrangers. Autour
du repas, nos guides nous racontent de fabuleuses histoires
dont le héros est toujours le fameux tigre.
Réveillés de bonne heure par les bruits
de la jungle nous poursuivons notre piste. Il faut malheureusement
se rendre à l'évidence, le vent, l'humidité
du petit matin ont effacé les traces de la veille
et il nous faut trouver une nouvelle piste. Nous décidons
de rejoindre un lac au milieu de la jungle réputé
pour être un lieu fort apprécié des
tigres. Pour y parvenir, il nous faut traverser marécages
et terrain dominés par des herbes de plus de 20m
de haut.
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Aucun sentier n'existe, il nous faut donc parcourir ces
quelques km à dos d'éléphants. Ces
animaux puissants et somptueux ont étrangement
été totalement domestiqués et nous
réussissons à négocier la location
de deux d'entre eux à des paysans qui les utilisent
comme bêtes de somme. C'est un spectacle étonnant
que de voir le Cornac, petit homme d'à peine 1m60,
dominé ce mastodonte. Il manœuvre éléphant
uniquement avec ses pieds qu'il bloque derrière
les oreilles du géant. Quelques orteils suffisent
à diriger le pachyderme. J'apprends que l'éléphant
d'Asie (3t) est bien plus petit que son cousin africain
(4t) qu'il se nourrit de 270 kg de végétaux
par jour et que sa gestation dure 22 mois.
La puissance de l'éléphant nous permet de
nous frayer un chemin a travers les herbes géantes
au milieu desquels nous rencontrons de nombreux rhinos
mais cette fois, haut perchés sur nos mastodontes,
nous ne sommes plus effrayés. Finalement après
plus de 3 heures à dos d’éléphant
nous arrivons - les fesses endolories - auprès
du fameux lac et quittons là nos montures. Nous
les voyons s'éloigner et je suis surpris de constater
avec quelle légèreté, ces 3 tonnes
s'éloignent sans bruit et sans faire trembler le
sol.
Le lac est ravissant, au loin, très loin derrière
la brousse, on aperçoit toujours les montagnes
et leurs neiges éternelles. Quel contraste avec
nos températures tropicales ! Nous avons cependant
peu le temps de nous préoccuper des paysages car
notre attention est attirée par des cris provenant
des arbres à proximité. Il s'agit de singes
qui s'égaient et batifolent allégrement.
Nous approchons pour regarder de plus prêt ce spectacle.
Que les singes sont drôles ! Quelle bande de pitres
! Conscient de notre présence, ils semblent s'en
donner à cœur joie et prendre plaisir à
nous offrir ce magnifique spectacle.
Mais brutalement celui-ci tourne court, les singes disparaissent
sans que nous en comprenions la raison et soudain nous
entendons un grognement dans notre dos. C'est alors un
grand calme dans la jungle, elle d'habitude si pleine
de bruits d'oiseaux, de bruissements de feuilles semble
être endormie et ne plus respirer. Sa majesté
le tigre vient de s'annoncer, le temps suspend son vol,
les animaux leur souffle, et nous muets par l'émotion
et tétanisés par la peur, nous voyons ce
gros chat tourner trois fois autour de nous, lancer un
grognement rageur pour rappeler qui est le maître
ici, puis tranquillement s’éloigner nous laissant
penauds et tremblants au milieu de cette jungle qui lentement
se ranime.
Voici, ami lecteur, la conclusion que faute d'avoir vécue,
il me plait de vous dire car de tigres je n'en ai point
vu. A peine ai-je entendu son grognement, et après
3 jours de jungle tout penaud suis rentré. Car
il en est à Chitwan du tigre comme de l'Arlésienne,
nombreux sont ceux qui en parlent mais raressont ceux
qui l'ont vu. |