Sommaire
- les chroniques
- introduction
- carnet 1 : first exposure to asia
- carnet 2 : les routes de l'himalaya
- carnet 3 : le tigre de bengale
- carnet 4 : la route de l'inde
- carnet 5 : l'asie des rizières
- carnet 6 : aventures en birmanie
- carnet 7 : indochine
- carnet 8 : l’empire du milieu
- carnet 9 : l'empire du soleil levant.
 
Carnets sur la route d'Asie
[2] Les routes de l'Himalaya ou le difficile
apprentissage du 'trekking'
par Nicolas Lenoir
Le plan était pourtant simple : nous devions prendre l'avion jusqu'a Manang a plus de 3400m d'altitude puis marcher jusqu'a Thorung Phedi pour passer le Thorung La, un col a 5400 m d'altitude (soit plus haut que le Mont-Blanc qui n'est qu'a 4800m) et enfin descendre de l'autre cote de la montagne. Au total la randonnée (pour faire 'in', on dit trekking ça fait mieux mais c'est la même chose) devait durer une dizaine de jours. En raison de la hauteur, le passage du col devait se faire avec l'aide de porteurs. La réalité fut légèrement différente, je vous livre comme témoignage l'extrait de mon carnet de voyage
 
Lundi 29 novembre 1999
 

Départ pour Pokhara, 170 km de Katmandu, 7 heures de bus et pourtant dieu erci c'est un bus express. Les Népalais ne sont pas grands, leur bus non plus, mes genoux comprimés contre le siège avant dans le bus crient au martyr… La beauté de Pokhara me fait oublier la pénibilité du voyage, le site est charmant, petite ville bien calme au bord d'un lac ravissant domine par l'Himalaya et notamment le fameux massif des Annapurna (4 montagnes grandioses). Quel plaisir de débarquer à Pokhara et de quitter ainsi la pollution de Katmandu ! La température est agréable une vingtaine de degrés de jour, entre 5 et 10 la nuit.

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Mardi 30 novembre 1999
 

Je dois retrouver à l'aéroport mes acolytes de fortune pour cette aventure. Nous devons prendre un vol sur Royal Air Népal qui nous amènera directement a Manang, petit village perche dans la montagne. Ce vol nous épargne la montée fastidieuse et la partie la moins intéressante du trek. Nous constatons avec surprise que, mis à part un Lama, nous sommes les seuls passagers du vol. L'aéroport de Pokhara est de toute façon loin d'être un aéroport international… En regardant, la piste unique je m'aperçois que la majorité des vols ne sont pas effectues par des avions mais par des hélicoptères.

J'interroge tant bien que mal un employé de l'aéroport qui m'explique que ces hélicoptères qui comportent 14 a 20 places ont été rachetés à l'armée russe qui les utilisait pendant la guerre en Afghanistan!! Légèrement inquiet (c'est un euphémisme), j'attends d'embarquer pour constater avec soulagement que nous aurons le droit à un vrai avion : petit coucou à hélice, avec une dizaine de places. Le copilote qui fait aussi office de steward nous donne bonbons et coton. Interloque, je regarde mon ami le Lama et découvre que le coton sert à protéger les oreilles contre le bruit du moteur. A peine ai-je le temps de boucler ma ceinture que nous voila partis, quel vol palpitant !!

Nous volons droit vers les montagnes, je suis à la fois fascine par la beauté du paysage et terrorise. Nous volons littéralement entre les montagnes, certaines sont si hautes que l'avion n’atteint même pas leurs sommets. Heureusement la visibilité est excellente, je n'ose même pas imaginer le même vol par temps de brouillard…. Nous passons parfois si près de certaines montagnes que j'ai l'impression qu'un souffle de vent nous projetterait contre leurs flancs. Enfin malgré nos appréhensions nous arrivons après 45 minutes de vol a l'aérodrome de Manang à 3200 m d'altitude. En 45 minutes, nous sommes passes de 600 a 3200 m, c'est beaucoup. On nous a prévenus, notre pire ennemi sera le 'mal des montagnes', qui peut avoir des conséquences mortelles…
Encore à moitié tremblant suite au vol, je sors de l'appareil et suis littéralement aveugle par l'intensité lumineuse. Quel soleil, même avec des lunettes de soleil la luminosité est extrêmement forte. Le paysage est époustouflant, les montagnes majestueuses entourent le petit aérodrome Quel spectacle, c'est inoubliable !

Par contre, mon corps se laisse moins facilement subjuguer et me rappelle douloureusement que nous sommes très haut, j'éprouve une certaine difficulté à respirer, et mon sac (qui ne pèse qu'une dizaine de kilo) qui me paraissait si léger en bas, me semble soudainement aussi lourd qu'une enclume. Je m'estime cependant bien loti et mieux réagir qu'un de mes compagnons de route qui célèbre notre arrivée dans les sommets en rendant son petit déjeuner… Aucun de nous n'en mène large, l'acclimatation à l'altitude n' est pas aisée. Après avoir pris un thé, nous décidons de nous diriger vers notre première étape, un petit village tibétain, Manang à 3400 m, et selon les autochtones à moins de 2 heures de marche.

Cette marche de l'aéroport au village de Manang est d'une difficulté extrême, certes les paysages sont grandioses, uniques, mais les difficultés liées a l'altitude ne le sont pas moins. Chaque pas est une victoire sur soi même, l'air est extrêmement sec, l'effort épuisant, les sacs trop lourds, la marche nous prend plus de 3 heures et c'est littéralement vidés que nous arrivons à Manang.

De là, nous avons une vue sur toute la vallée dont les paysages sont magnifiques : crêtes enneigées, monastères perchés, aiguilles de glace, torrents turquoises, stupas, et bien sur yacks et chevaux du Mustang. La ville faite de pierre est typique de l'architecture tibétaine. Par certains cotes, elle me rappelle un peu ces hauts villages perchés tout de pierre du Luberon.

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Mercredi 1 décembre 99
 

La nuit a été réparatrice et je me sens en pleine forme pour affronter les pics… Mes compagnons semblent aussi s'être remis et nous décidons de partir pour notre prochaine étape : Ledtar à 4200 m d'altitude. Le soleil est bien entendu toujours au rendez-vous, les paysages aussi magnifiques et m'étant un peu acclimaté, mon sac à dos ne me parait plus aussi lourd, j'ai le souffle moins coupé. Nous traversons villages bouddhistes avec leurs fameux moulins à prière, stupas, drapeaux à prière La route est jalonnée de nombreuses 'tea houses' où nous nous réchauffons régulièrement autour d'un thé au beurre de yack. Les habitants de ces hautes montagnes sont d'une gentillesse remarquable…

Je constate qu’avec l'altitude les prix se sont envolés. Le cours de la bouteille d'eau qui était de 20 roupies en bas et 60 à l’aérodrome est maintenant à 80. Le cours du coca-cola flambe également. Même en haut de l'Himalaya, la petite bouteille noire est omniprésente. C'est incroyable.

Notre forme physique n'est tout de même pas aussi bonne que ce que nous avions prévu, et épuisés nous décidons de nous arrêter à Yakarka, un minuscule village perché à 4000 m d'altitude. La nuit tombe rapidement vers 17 heures et avec la nuit l'atmosphère devient glaciale. Il n'y a pas d'électricité, pas d'eau courante, pas de feu. Bref la soirée parait longue, et faute d'autre occupation, je me couche vers 19h30 dans une chambre glacée sans chauffage.

Réveillé vers 1heure du matin, en raison de troubles du sommeil lié au mal des montagnes, j'ai toute la nuit pour apprécier de ma fenêtre la beauté du ciel étoilé que je n'ai jamais vu de si haut et si dégagé. C'est un spectacle enchanteur que de voir ces étoiles scintillées de mille feux par cette nuit si claire. La lune se lève tardivement vers 3 heures du matin.

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Jeudi 2 décembre 99
 

Pour mes compagnons la nuit a également été difficile, nous pensons que nous sommes montés trop rapidement et n'avons pas assez pris le temps de nous acclimater à l'altitude. Nous décidons donc de faire une étape très petite et de ne monter qu'à 4200 m à Ledtar. La marche est difficile, le terrain rocailleux, les paysages beaucoup plus désolés, la végétation se fait maintenant très tard, par contre les troupeaux de yaks sont encore nombreux.

Les tea houses se font plus rares, et même de jour la température commence à être fraîche. Le sol est gelé jusqu'au début après midi. Les montagnes sont toujours aussi impressionnantes mais l'air toujours aussi sec et les sacs difficiles à porter. Nous arrivons à bout de souffle à Ledtar. Là encore ni électricité, ni eau courante, le soleil commence à se coucher et le froid nous pénètre. La nuit sera encore longue, notre enthousiasme commence à fléchir. Et ce d'autant plus que nous avons croisé de nombreuses personnes qui rebroussaient chemin en raison de la difficulté, du mal des montagnes, du froid, etc.…

Dans les auberges, les tea houses nous lisons des mises en garde contre les risques du mal des montagnes, qui si on n’y prend pas garde peut entraîner un œdème du cerveau et donc la mort !! Nous constatons avec angoisse que nous avons déjà des signes mineurs : troubles du sommeil, difficultés respiratoires, troubles intestinaux, perte d'appétit pour certains. Un document attire particulièrement notre attention qui signale qu'un signe significatif est le pouls, si le pouls dépasse 100 au repos, c'est un symptôme du mal des montagnes et qu'une redescende s'impose.

La nuit tombe encore vers 17 heures, les étoiles sont toujours aussi belles mais le froid toujours aussi intense, le feu absent, je me couche donc encore une fois de bonne heure, devenu un peu parano suite à tout ce que j'ai lu sur le mal des montagnes. Là encore je me réveille au milieu de la nuit pris d'insomnie et sujet à un mal de tête, pris d'une crise angoisse, je vérifie avec anxiété mon pouls et constate avec horreur que celui-ci est à 102. Il m'est alors impossible de me redormir.

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Vendredi 3 décembre 99

J'ai décidé de renoncer à passer le Thorung La. Je pourrai redescendre à Yakarka et y passer un jour d'acclimatation puis remonter mais je n'ai pas le courage de passer encore une nuit glaciale, une journée d'inaction, une soirée mortelle. Notre groupe se sépare, je ne suis pas le seul à vouloir redescendre. Nous sommes montés en avion, nous ferons toute la redescende à pied. A la monté, il faut compter une dizaine de jours, nous espérons pouvoir y parvenir en 4 jours. Lever vers 6 heures, et la redescende à un train d'enfercommence. Je veux quitter les hauteurs qui me causent tous ces dérangements le plus rapidement possible.

En une journée, nous faisons l'équivalent de plus de deux étapes de montée. Les paysages sont encore différents : nous laissons ces superbes montagnes dans notre dos, et retrouvons progressivement la végétation, des paysages boisés, davantage de monde sur les routes, les cortèges de mules apportant vivres et provisions dans les hauteurs se font plus nombreux. Le vent se fait cependant plus fort et la vallée plus étroite. Nous arrivons le soir à Pisang, encore un village de pierre haut perché sur le flanc ensoleillé de la vallée à 3200 m Nous avons bien descendu, je me sens déjà beaucoup mieux, moins oppressé. Nous logeons chez l'habitant dans une vieille maison traditionnelle. Avec bonheur nous retrouvons électricité. Nous pouvons jouer aux cartes, la soirée parait moins longue, la nuit est réparatrice

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Samedi 4 décembre 99
 

Ce matin j'ai pris ma première douche depuis le départ du trek, sur la terrasse à ciel ouvert de mon hôtesse. Le vent était glacial, l'eau à peine chaude (pas d'eau courante c’était un seau avec de l'eau chauffée sur le feu), mais je n'avais pour seul vis à vis que l'Annapurna... On se sent bien petit…

La descente continue, à travers une forêt, quelques nuages commencent à apparaître, l'intensité lumineuse est moins forte, les chemins escarpés longent parfois des précipices inquiétants. A plusieurs centaines de mètres plus bas coule la rivière tumultueuse, un faux pas et c'est la fin… Tout va bien jusqu'a ce que nous croisions des mules qui montent, le chemin n'est vraiment pas large à cet endroit et les mules sans douceur, elles mes serrent contre le bord du chemin et je passe quelques minutes inquiétantes !!! La journée est longue plus de 8 heures de marche comme hier. Nous perdons le chemin principal et nous retrouvons sur un chemin périphérique qui rallonge sensiblement notre route. Nous devons descendre à flanc de falaise pendant près d 'une demi-heure pour le retrouver. Nous arrivons finalement épuisés à Baggarchap un village typiquement népalais sans électricité.

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Dimanche 5 décembre 99
 

Lever matinal. Nous continuons notre descente rapide, de longues journées de marche, nous sommes maintenant à moins de 2000m d'altitude et les symptômes du mal des montagnes ont totalement disparu. Je me sens beaucoup mieux. Le sentier est en mauvais état, éboulé par certains endroits, très rocailleux par d'autres, même la descente est fatigante, surtout qu'elle n'est pas régulière.

Les colonnes de mules sont maintenant très nombreuses et ralentissement notre progression. Elles sont surchargées. Nous qui trouvions ces rencontres très typiques et charmantes, ne supportons plus d'entendre les clochettes des mules qui résonnent dans la montagne et annoncent leur arrivée imminente. Les muletiers ne sont pas tendres avec leurs mules et on sent parfois qu'ils aimeraient volontiers pouvoir traiter les randonneurs qui osent marcher sur 'leur sentier' de la même manière.

Nous croisons aussi nombre de porteurs (souvent des Sherpas, une ethnie minoritaire qui vit dans les montagnes). Ces porteurs portent sur les dos des charges incroyables, des sacs de riz, 3 ou 4 sacs à dos de touristes fainéants, mais aussi des choses insolites comme des planches ou des tuyaux de canalisation. Le trafic entre les porteurs et les mules est incessant, quelle agitation dans ces montagnes !! Ces porteurs portent généralement des tongs, voire même pieds nus pour certains… je pense que certaines mules ont un sort parfois plus enviable que ces malheureux porteurs. Nous arrivons à Syange juste avant la tombée de la nuit. Là encore un village au bord de la rivière et sans électricité

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Lundi 6 décembre 99
 

Comme d'habitude, départ de bonne heure. Nous commençons la journée en traversant un immense pont suspendu, je me crois presque Indiana Jones tellement le pont est impressionnant. Notre progression est maintenant plus rapide car le terrain est moins accidenté et surtout moins rocailleux. Par contre, les jours de marche effrénés précédents commencent à se faire sentir notamment dans les mollets. Nous arrivons finalement épuisés mais heureux à Bessi Saar dernière étape du trek.

De là, nous prenons un bus pour Dumre. Le bus emprunte une route ou plutôt devrais-je dire une piste serpentée au bord d'un précipice. Je suis terrorise c'est pire que l'avion. Les Népalais eux, qui empruntent ce bus régulièrement, sont blasés et indifférents et préfèrent regarder un film indien qui passe dans le bus. Le film est pitoyable, mélange de série B, de mélo, de cascade et de comédie musicale et le tout en hindi langue que même les Népalais ne comprennent pas ce qui ne les empêchent de participer bruyamment au film. Finalement, nous finissons par arriver à Dumre, village champignon, construit sur le long de la route unique principale qui relie Katmandu à Pokara. Mais quel plaisir après une semaine d'isolement de retrouver la pollution, le bruit, et électricité…

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Mardi 7 décembre 99
 

Après une nuit pénible à Dumre dans une chambre minuscule coincée entre les toilettes aux odeurs indescriptibles et la fenêtre qui donnait sur la route principale empruntée toute la nuit par des camions, je prends le car pour Katmandu. Le bus express devrait ne mettre que 5 heures pour faire les 110 km. Malheureusement, le trajet dure 8 heures car nous sommes immobilisés plus de 3 heures, un camion chargé d'essence étant renversé sur la route. L'accident s'est produit ce matin à 6 heures, le trafic a donc été coupé pendant toute la matinée provoquant de part et d'autre de la route un bouchon de bus et de camions sur plusieurs dizaines de kilomètres. Quand le trafic est finalement rétabli c'est la foire d'empoigne, chacun veut rattraper son retard, et bus et camion se doublent alors qu'en face débouchent d'autres bus et camions sur des routes à coté desquelles nos petites routes de Corse font figures d'autoroutes. Les accidents sont évités par miracle. Et là je me dis que finalement la marche à pied et le trekking, même s'il fait froid et que les conditions sont rudes ce n'est pas si mal…

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