Sur les eaux du Saimaa
Première rencontre
par Anthony Coadou

VisulahtiSuis-je bien en Finlande ? En cette soirée d’été, tout, autour de moi, attise mon interrogation : plage de sable, ciel bleu, soleil rayonnant, jeu des enfants dans l’eau ... S’il n’y avait les paroles de leur mère, que je devine attentionnées, lancées à voix haute comme un rappel à l’ordre, je jurerais m’être trompé d’avion et avoir atterri sur quelque île paradisiaque inconnue des explorateurs. Mais les consonances nordiques entendues effacent mes doutes et me confirment que je suis arrivé à destination. Quelques heures plus tôt, au coeur de Paris, et maintenant au milieu d’un paysage d’où n’émanent que l’harmonie et la sérénité.

La transition, ou, devrais-je dire, la téléportation, tant le changement d’ambiance est rapide, laisse à peine le temps de se préparer à cette rupture radicale. Deux heures trente dans les airs suivies par trois heures sur l’asphalte pour progressivement délaisser la frénésie des métropoles. Dès la sortie de l’aéroport, au nord d’Helsinki, la nature témoigne sa présence à travers les vitres du bus, sous la forme d’élans figurant sur les panneaux indicateurs. On se sent dès lors bien loin de la faune parisienne.

À Lahti, bourgade perdue au milieu du dédale de forêts et de lacs, première rencontre insolite en attendant le prochain bus : un homme notablement aviné, d’apparence “clocharde”, s’approche et lie conversation. L’éventail des sujets abordés étant restreint du fait de notre ignorance réciproque du langage de l’autre, il en vient à utiliser un vocable universel, fredonnant La Marseillaise et parlant de Fernandel. Puis, comme sous le coup d’une révélation, voyant en face de lui le voyageur qui changera le cours de sa vie, il se dirige vers un kiosque et en revient avec ce que je prends pour un ticket de loto sportif, qu’il me tend accompagné d’un stylo afin que je coche les cases qui désigneront les équipes gagnantes. Mes connaissances en football étant sans limite — je sais en effet que ce sport se pratique avec un ballon rond — je laisse le hasard guider ma main.

La tâche accomplie, il est temps de sauter dans le bus sans pouvoir dire au revoir à mon interlocuteur qui est parti valider le précieux document. Ne resterai-je à ces yeux qu’un mirage ? Je poursuis donc ma route, laissant peut-être derrière moi, sans que j’en puisse jamais avoir confirmation, le premier mendiant finlandais devenu millionnaire par la main providentielle d’un étranger. En revanche, ce que je sais avec certitude, c’est qu’à la fin de ce voyage, au moins l’un de nous deux sortira gagnant. Seuls les gains différeront. [ à suivre... ]

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