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Dernier
jour de mai, premier jour de foot [suite] |
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13h00
- Quartier Montparnasse, à l'abri de la tour,
je sirote à la terrasse d'une brasserie un
petit noir. Quelques maillots bleus se pressent
sur les trottoirs encore encombrés des déjeuneurs
du jour. Mais les premiers signes d'une calvitie précoce
apparaissent. Les rues s'assèchent doucettement.
13h05
- Le film "Trois zéros, tous les coups
sont permis" est toujours à l'affiche.
Il jouxte sur le fronton du cinéma "Hollywood
endind" et "Starwar-épisode
II, les clones attaquent".
13h10
- Des touristes asiatiques s'attardent, encore sous
l'effet du décalage horaire.
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13h15
- Les rues sont un peu plus vides. Je quitte la terrasse
bistrotière et me dirige vers le métro
Saint Placide.
13h25
- Petite bifurcation. Je m'introduis dans un magasin
d'une chaîne commerciale réputée pour son matériel
hifi-vidéo. A l'étage poste-télévision, une foule
mâlesque agglomérée a assailli le mur-écran cathodique.
Les hymnes vont débuter.
13h30
- Le ballon roule. Premières actions. Premiers instants
de silence.
13h31
- Je me fais virer par un vigile local pour prises
de photos intempestives sans consentement préalable.
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13h33
- J'ai repris ma descente de la rue de Rennes.
13h35
- Je m'arrête devant un kiosque à journaux pour me
procurer un quotidien. Le vendeur en profite pour
me faire partager une de ses toutes dernières réflexions
en me confiant son espoir de voir l'équipe de France
perdre son premier match parce que "cela fera bien
chier les journalistes". Et devant mon étonnement,
il rajoute comme explication de texte que ces gens-là
"écrivent leurs articles comme si l'équipe
de France était à nouveau championne
du monde." Dans un sens, il n'a pas tort dans
son approche. Souvenons-nous (dommage pour ceux qui
ont la mémoire courte) d'un mois d'avril 2002
où certains se croyaient qualifiés pour le second
tour alors que le premier n'avait pas encore eu lieu.
Depuis ils sont partis (ou partiront) en vacances
longue durée. A chaque tour sa peine. [haut]
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13h40
- Les rues sont calmes. Le pavé n'est plus foulé que
par des femmes seules, des allergiques au ballon rond,
des malvoyants, des touristes attardés. Mais les plus
heureux sont les amoureux. Ils ont les bancs publics,
les portes cochères, les abribus, les rebords de toutes
sortes à leur entière disposition. Ils ont la ville
à leurs pieds. Deux heures sans publicité pour s'embrasser,
se confier, se cajoler, se serrer sans voyeur indiscret.
Cent vingt minutes de solitude amoureuse où l'on peut
tout se déclarer sans rien dire.
13h44
- Un chien affolé traverse la rue Saint Sulpice
en aboyant. Il arrive en vie sur le trottoir opposé.
Un miracle.
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13h47
- Il y a deux sortes de brasseries. Il y a celles
qui possèdent télévision et celles qui n'en possèdent
pas. Cela fera surement une grande difference de chiffre
d'affaire en fin de journée entre les propriétaires
qui en ont et ceux qui n'en ont pas.
13h55
- Rue du Four. Le soleil brille. Ses reflets sur le
capot des automobiles en stationnement agacent. A
droite, les magasins de vêtements à prix non-modiques,
fréquentés par des clientes épanouies. En face, l'église
Saint Germain dont le parvis est en pleine agitation.
Par curiosité, je décide de continuer mon droit chemin.
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14h00
– Je fais un détour par la rue des Saints-Pères. Un
saint tour dans un silence ouaté d’une rue où les
affiches des panneaux électoraux se sont abstenues
d’y figurer, où la chaussée a perdu ses voitures,
le trottoir ses piétons. Une rue paisible en quelque
sorte jusqu’au passage devant un porche donnant sur
une arrière-cour d’un immeuble en rénovation. Soudaine
et brutale la voix radiophonique d’un commentateur
footbalistique et passionné s’y échappe avant de se
fracasser sur le pavé. Des ouvriers ont voulu se donner
du cœur à l’ouvrage. De la pollution olfactive à la
pollution auditive. Un instant plus tard, le calme
s’est à nouveau manifesté. [haut]
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14h20
–
Le parvis de l'église de Saint Germain est effervescence
printanière d’une "singulière chose"
prélude au mariage. Un colonel marie son fils dans
la tradition militaire et versaillaise. De sabre en
goupillon, cette cérémonie à la "garde républicaine"
fait la joie d'une troupe de badauds et de badaudes
qui imaginent assister au tournage d'un film, transposition
dans un siècle passé. Au bleu de la "polytechnique"
s'est substitué le noir de cérémonie. Le blanc est
resté féminin pour la mariée et ecclésiastique pour
le prêtre. Bénitiers en vases clos.
14h45
– Les bleus au travail. [haut]
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14h55
– Une
dernière étape, la terrasse de la brasserie "Les
Deux Magots" et son express à 3,80 euros.
Le blues du porte-monnaie. A la table adjacente, une
femme, écouteur d'une radio portative visé à l'oreille,
suit la retransmission du match de football Sénégal-France.
De petits tressaillements à intervalles presque réguliers
sont là pour en témoigner. Un mime pendant que le
temps s'écoule à regarder des touristes qui s’égrainent
en un flot continu sur le trottoir. Les minutes deviennent
des battements de cœur qui s’accélèrent, progressifs.
Le corps de ma voisine se relâche. Fin de communion.
Elle s’adresse au garçon qui passe devant elle. " les
marabouts ont gagné" dit-elle. Ce fut bref,
un accent de dépit en accompagnement. Le garçon ne
se sentant pas concerné, repart en direction de la salle du select-café.
La locataire de la table attenante décide de
se délocaliser vers l’arrêt de bus. "Fin de
Partie ". [haut]
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15h30
- la rue retrouve son quotidien, les amoureux la clandestinité
et moi la bouche de métro
15h33
- La rame entame une litanie, une litanie des bleus.
" Bleu
ardoise, bleu canard, bleu ciel, bleu électrique,
bleu marine, bleu outremer, bleu pétrole, bleu de
Prusse, bleu roi, bleu d'Auvergne
".
Awat
Awat
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